PRENDRE en charge un patient obèse nécessite un bilan nutritionnel préalable à la mise en place d'une stratégie thérapeutique adaptée à chaque cas. Ce bilan a pour objectif de dépister les comorbidités associées et d'affiner le diagnostic étiologique.
Dans le bilan des comorbidités, les examens biologiques gardent une place importante, avec le dosage de la glycémie, de l'hémoglobine glyquée et le dépistage des dyslipidémies. A ce bilan biologique sont désormais associés l'exploration de la fonction hépatique, recherchant une stéatose, et le dépistage d'un syndrome d'apnée du sommeil (SAS), comorbidités très fréquentes chez les patients obèses. Auparavant, un diagnostic de SAS nécessitait la pratique d'une exploration de nuit. Aujourd'hui, la polygraphie ventilatoire permet actuellement de dépister les patients de façon rapide et fiable.
Par ailleurs, les travaux réalisés à l'Hôtel-Dieu de Paris par Karine Clément et à Toulouse par Dominique Langin, sur les associations de gènes liés aux obésités syndromiques, vont probablement permettre d'évoluer rapidement dans le sens d'une meilleure connaissance clinique de ces obésités génétiques et d'un meilleur dépistage.
La mesure de la dépense énergétique et de la composition du corps ne sont pas des explorations nouvelles, mais leur utilité dans la prise en charge de l'obésité est aujourd'hui mieux définie, même si les techniques les plus utilisées ne figurent pas encore à la nomenclature.
La mesure de la dépense énergétique se fait par calorimétrie indirecte. Son intérêt réside dans le dépistage des quelques patients (estimés à 10 % des obèses) qui dépensent mal leur énergie et ont de ce fait de vraies difficultés à perdre du poids. Cet examen pourrait être proposé dans un deuxième temps, après évaluation des motivations et de la capacité de compliance au traitement, aux patients chez qui une résistance à la perte de poids est observée, afin d'adapter la stratégie de prise en charge.
De même, la mesure de la composition corporelle n'a pas un intérêt démontré chez la plupart des patients, même si elle peut être utile à titre documentaire, afin de motiver la personne. Cependant, dans certains cas, cette mesure est importante, pour s'assurer que la stratégie mise en place permet de perdre effectivement de la masse grasse sans porter atteinte à la masse musculaire. C'est particulièrement le cas chez les sujets âgés ou les patients associant obésité à insuffisance d'organe. En effet, chez la personne de plus de 65 ans, l'évolution naturelle de la composition du corps est une augmentation de la masse grasse et une perte de la masse maigre. L'effet délétère du régime restrictif sur la masse musculaire sera limité, si le patient âgé est capable de faire de l'exercice physique. Mais à la faveur d'une maladie ou d'une baisse de motivation, le patient risque de reprendre de la masse grasse au détriment de la masse musculaire.
Plusieurs techniques permettent de mesurer la composition corporelle. La plus indiquée semble être, aujourd'hui, l'absorptiométrie biphotonique. L'impédancemétrie reste très pratiquée mais ne suffit pas, utilisée seule, à obtenir des données fiables chez le patient obèse. De nouveaux appareils de pléthysmographie, sous forme de cabine, existent mais ne sont disponibles que dans quelques centres en France et leur utilisation reste encore anecdotique. Parallèlement aux explorations fonctionnelles, des tests psychologiques se sont développés. Ils aident à mieux définir certains aspects motivationnels à la consommation alimentaire et commencent à être utilisés de façon courante dans les services de nutrition, même s'ils sont encore peu disponibles en version française et parfois un peu difficile d'utilisation au début.
Ils permettent de dépister les patients « restreints ».
Une dénutrition paradoxale après chirurgie de l'obésité.
Un autre domaine ayant beaucoup évolué ces dernières années est la prise en charge des patients après une chirurgie de l'obésité. On s'aperçoit aujourd'hui qu'il existe une phase de dénutrition postchirurgicale. Les patients sont alors dans la situation paradoxale où ils sont en excès de poids mais avec une biologie assez comparable à celle d'un patient dénutri. Le dépistage de ces carences est maintenant bien codifié, avec des tests biologiques simples qui permettent d'adapter au mieux la nutrition des patients sur le plan qualitatif. Suite à la perte d'une vingtaine de kilos en quelques mois, un état de dénutrition protéique va apparaître, qu'il faudra compenser en réenrichissant l'alimentation en protéines. Les autres carences sont essentiellement des carences en fer, en vitamine B12, et une perturbation du métabolisme phosphocalcique ayant des conséquences à long terme sur la densité osseuse. Ces explorations vont faire partie du quotidien de la prise en charge de patients obèses opérés. Il va falloir apprendre à maîtriser ces informations.
D'après un entretien avec le Pr Patrick Ritz, nutritionniste, Angers.
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