Rhumatisme inflammatoire débutant

Les clés du diagnostic

Publié le 26/04/2007
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« LES BIOTHÉRAPIES ont sans conteste changé notre façon de prendre en charge des rhumatismes inflammatoires », a déclaré le Pr Alain Cantagrel. En effet, dans les maladies autrefois invalidantes, comme la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante ou le rhumatisme psoriasique, les progrès thérapeutiques sont tels qu'on peut aujourd'hui, chez un grand nombre de patients, éviter l'apparition des aspects de destruction articulaire et maîtriser l'évolution de la maladie avant qu'elle ne devienne un handicap. « L'efficacité de ces traitements dépend néanmoins de la précocité du diagnostic », a souligné le Pr Cantagrel.
Dans ce contexte, le gonflement articulaire et la localisation sont des éléments essentiels. La constatation de deux articulations gonflées est déjà le premier pas vers le diagnostic. Sont principalement touchées les petites articulations distales, métacarpophalangiennes et métatarsophalangiennes, au
niveau desquelles la pression transverse (squeeze test) réveille la douleur. Enfin, le caractère inflammatoire de la douleur et la raideur matinale, qui diffère de celle de l'arthrose par sa durée plus prolongée (supérieure à 30 minutes), doivent attirer l'attention.
Importants à connaître, les diagnostics différentiels devant une arthrite débutante sont nombreux. Ils peuvent être classés en sept catégories, a rappelé le Pr Cantagrel :
- les polyarthrites infectieuses, le plus souvent virales, fréquentes et transitoires, elles régressent en général en 3 à 6 semaines ;
- les polyarthrites microcristallines, représentées essentiellement par la goutte et la chondrocalcinose et qui s'observent le plus souvent chez les sujets âgés ;
- les spondylarthropathies, englobant la spondylarthrite ankylosante, les rhumatismes axiaux associés aux maladies inflammatoires chroniques de l'intestin et les arthrites réactionnelles, où l'atteinte axiale prédomine ;
- les rhumatismes inflammatoires des sujets âgés, telle la pseudopolyarthrite rhizomélique, proche de la maladie de Horton, qui peut s'accompagner au départ d'arthrites périphériques ;
- les connectivites, pour lesquelles se sont les marqueurs biologiques qui orientent le diagnostic ;
- les polyarthrites rhumatoïdes ;
- enfin, les rhumatismes inflammatoires indifférenciés.
Pour arriver au bon diagnostic, si la clinique a une place prépondérante, le bilan biologique est indispensable : VS, CRP, facteurs rhumatoïdes, anticorps antinucléaires et, surtout, anticorps antiprotéines citrullinées qui, a rappelé le Pr Cantagrel, ont beaucoup apporté au diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde, en particulier grâce aux travaux de l'équipe toulousaine du Pr Guy Serre. Ces anticorps, appelés au départ antikératine, puis antifillagrine, ont ensuite changé de nom parce qu'on s'est aperçu qu'ils reconnaissaient les protéines déiminées, c'est-à-dire des arginines qui ont perdu une partie de leurs acides aminés pour devenir des citrullines. Ces protéines déiminées sont reconnues par des autoanticorps qui sont très spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde que l'on peut identifier par un test ELISA disponible dans tous les laboratoires d'immunologie. A cet égard, le Pr Cantagrel a précisé que lorsque l'on demande une recherche de ces anticorps antiprotéines citrullinées, il est important de préciser « par ELISA », car, pendant longtemps, ils ont été dosés par immunofluorescence, méthode qui n'est pas aussi performante. Ces autoanticorps sont sensibles, à peu près deux tiers des patients atteints d'une polyarthrite rhumatoïde ont ces autoanticorps dès la première année de leur maladie. Ils sont plus spécifiques (98 %) que les facteurs rhumatoïdes que l'on peut rencontrer dans de nombreuses autres maladies auto-immunes ou non auto-immunes. De plus, on sait que ce sont des marqueurs précoces, qui sont associés en général aux formes les plus sévères.
L'hétérogénéité des rhumatismes inflammatoires. Le Pr Cantagrel a beaucoup insisté sur l'hétérogénéité des rhumatismes inflammatoires en termes de sévérité et d'évolution. Beaucoup d'arthrites vont guérir spontanément, d'autres vont aboutir à des destructions articulaires et à un handicap parfois important.
A partir du troisième mois d'évolution, on parle de polyarthrite chronique et plus celle-ci se prolonge plus elle risque de devenir destructrice.
On considère aujourd'hui que tout rhumatisme inflammatoire qui débute devrait idéalement être exploré entre la sixième et la douzième semaine, afin de laisser le temps aux arthrites virales de guérir spontanément. En revanche, selon le Pr Cantagrel, au-delà de la sixième semaine, il faut faire un bilan assez complet pour déterminer s'il s'agit d'un rhumatisme potentiellement destructeur et engager un traitement avant le troisième mois.
A cette étape de la démarche, il importe, dans l'objectif, d'adapter la stratégie thérapeutique, d'évaluer les facteurs de sévérité, si possible avant toute corticothérapie : nombre d'articulations douloureuses, nombre d'articulations gonflées, importance du syndrome inflammatoire, titre du facteur rhumatoïde, anticorps antiprotéines citrullinées, groupage HLA, qui, s'il n'a aucun intérêt diagnostique, a un intérêt pronostique, présence d'érosions, etc.

> Dr PIERRE CONSTANT

« Actualités médicales en rhumatologie », session présidée par le Pr Bernard
Mazières, (Toulouse), avec la participation des Prs Alain Cantagrel (Toulouse)
et Philippe Bertin (Limoges) et
du Dr Bénédicte Jamard (Toulouse).

CONSTANT Pierre

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8156