La découverte des gènes du cancer s'accélère

Mille mutations sont associées à la cancérogenèse

Publié le 07/03/2007
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UN TRAVAIL britannique conduit par les chercheurs du Wellcome Trust Sanger Institute (Cambridge) révèle que le nombre de gènes impliqués dans l'oncogenèse est bien plus important qu'on ne l'imaginait. La seule analyse des gènes codant pour les protéines kinases vient de mettre en évidence plus de cent gènes dont l'altération participe activement à la progression tumorale.

L'oncogenèse est un processus complexe, impliquant l'accumulation de lésions génétiques qui finissent par permettre aux cellules d'échapper aux systèmes contrôlant leur prolifération et leur localisation tissulaire. Jusqu'ici, environ 350 gènes dont la dysfonction est associée à la progression tumorale ont été identifiés. Leur caractérisation a non seulement permis de mieux comprendre comment une cellule saine se transforme en cellule tumorale incontrôlable, mais elle a aussi servi à la mise au point de tests diagnostiques, ainsi qu'à celui de traitements spécifiques.

Les 518 gènes codaient pour des protéines kinases.

Souhaitant identifier de nouvelles mutations impliquées dans l'oncogenèse, Greenman et coll. ont décidé d'utiliser une stratégie de recherche à grande échelle, se fondant sur l'utilisation des outils mis au point pour le projet Génome humain. Les chercheurs ont séquencé plus de 500 gènes dans 210 types de tumeurs humaines d'origines diverses. Les 518 gènes étudiés codaient tous pour des protéines kinases, enzymes déjà connues pour leur participation à de nombreux processus de la tumorigenèse.

Cette approche a conduit les scientifiques à l'identification d'un millier de mutations. Un chiffre bien plus élevé qu'attendu.

Il est apparu que le profil de mutations d'une tumeur est extrêmement variable d'un type tumoral à l'autre et d'un individu à l'autre. Le nombre et la nature des altérations génétiques dépendent de nombreux facteurs, parmi lesquels la nature de la cellule, l'état de son système de réparation de l'ADN ou encore la nature des expositions mutagènes auxquelles elle a été soumise. Ainsi, le profil d'altérations génétiques caractérisant une tumeur constitue une espèce de « recueil archéologique » qui pourrait permettre de retracer son histoire biologique.

Mutations « conducteurs », mutations « passagers ».

L'analyse de chacune des mutations mises en évidence et de sa fréquence a, en outre, permis à Greenman et coll. de classer les défauts génétiques associés aux tumeurs en deux catégories : les mutations dites « conducteurs » ( «drivers» en anglais) et les mutations dites « passagers » ( «passengers»). Les mutations « conducteurs » sont directement impliquées dans l'oncogenèse : elles « conduisent » la cellule à l'état tumoral. Les mutations « passagers » s'accumulent dans le génome au fur et à mesure de la progression tumorale et sont donc associées à l'état cancéreux. Cependant, ces mutations ne jouent pas un rôle actif dans l'oncogenèse. Elles ne confèrent pas nécessairement un avantage sélectif aux cellules qui les portent.

Les travaux de Greenman et coll. révèlent que, s'il existe beaucoup de mutations « conducteurs » – les chercheurs les ont en effet mises en évidence dans 120 gènes de kinases –, la majorité des altérations génétiques associées aux cancers ne sont que des mutations de type « passagers ». Ces gènes ne constituant pas nécessairement les meilleures cibles pour la mise au point de stratégies thérapeutiques, les travaux britanniques indiquent qu'il faudrait prêter davantage attention au statut « conducteur/passager » des gènes associés aux cancers.

Greenman et coll. « Nature » du 8 mars 2007, pp. 153-158.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8121