L’INCIDENCE des cancers thyroïdiens a augmenté de 5 à 6 % par an depuis trente ans. Cela est essentiellement dû à un dépistage plus précoce des tumeurs, grâce à la pratique de l’échographie cervicale et de la cytoponction. On distingue quatre types histologiques principaux de cancers thyroïdiens. Les plus fréquents sont des cancers différenciés, développés aux dépens des cellules vésiculaires : le cancer papillaire, qui représente 80 % des cancers thyroïdiens, pour lequel le seul facteur de risque reconnu est l’irradiation cervicale dans l’enfance, et le cancer vésiculaire, qui représente 15 % des cas. Le carcinome médullaire, développé à partir des cellules C de la thyroïde et sécrétant de la calcitonine, ne représente que 5 % des cancers thyroïdiens. Dans environ 25 % des cas, il est héréditaire. Ainsi, devant tout cancer médullaire, il convient de rechercher une mutation germinale activatrice du gène RET et, le cas échéant, de réaliser une enquête génétique chez tous les apparentés du premier degré. Enfin, le cancer anaplasique est plus rare, moins de 5 % des cancers de la thyroïde, et atteint en règle générale des sujets âgés.
Le rôle prépondérant des oncogènes.
La recherche moléculaire a permis la découverte d’un certain nombre d’oncogènes, dont les mutations sont responsables de la survenue des cancers thyroïdiens. Dans les cancers papillaires, ces mutations concernent la voie des MAP-kinases. Il s’agit des réarrangements RET-PTC et des mutations ponctuelles activatrices du gène B-RAF ou des gènes RAS. Ces mutations s’associent à une angiogenèse très active, avec surexpression du Vegf et des récepteurs du Vegf. Dans les formes peu différenciées, on observe une surexpression des récepteurs à l’EGF. Dans les cancers vésiculaires, une mutation du gène RAS et des réarrangements PPARg-PAX8 ont été mis en évidence. Des mutations du gène de la protéine p53 n’ont été identifiées que dans les cancers anaplasiques. Enfin, des mutations activatrices du gène RET s’observent dans les cancers médullaires.
La thyroïdectomie totale est la règle.
La démarche diagnostique devant un nodule thyroïdien et la prise en charge des tumeurs sont maintenant bien codifiées et ont fait l’objet d’un consensus européen publié en 2006. Devant un nodule thyroïdien, trois examens sont réalisés en routine : le dosage de la TSH, l’échographie cervicale et la cytoponction à l’aiguille fine. En cas de TSH abaissée, l’exploration sera complétée par une scintigraphie thyroïdienne pour rechercher un adénome toxique. Si le taux de TSH est normal, la scintigraphie est inutile. La cytoponction va permettre le diagnostic : en cas de cytologie bénigne, la surveillance est la règle ; le caractère malin ou suspect du nodule est une indication à la chirurgie. Tout cancer de la thyroïde doit bénéficier d’une thyroïdectomie totale. La seule exception concerne les microcancers papillaires unifocaux pour lesquels une lobectomie peut être suffisante. La thyroïdectomie totale est complétée par un curage ganglionnaire central en cas de carcinome papillaire et par un curage central et bilatéral en cas de cancer médullaire.
Dans les cancers papillaires et vésiculaires, la chirurgie peut être complétée par un traitement à l’iode 131. Devant une tumeur à très faible risque de récidive, microcarcinome (< 1 cm) unifocal sans métastases ganglionnaires, il n’y a pas d’indication. Les tumeurs à risque élevé, classées T2 à T4 ou associées à des métastases ganglionnaires et/ou à distance, représentent au contraire une indication à un traitement par 100 mCi d’iode 131 après sevrage en hormones thyroïdiennes. Pour toutes les autres tumeurs, l’indication de l’iode ne fait pas l’objet d’un consensus, et la décision est prise au cas par cas. En cas de traitement de ces patients, une dose de 30 à 100 mCi est administrée, soit après sevrage en hormones, soit après injection de TSH recombinante humaine. Celle-ci a l’intérêt de provoquer une stimulation de la fixation aussi bonne que le sevrage en hormones, mais sans hypothyroïdie. Elle permet un maintien de la qualité de vie, une diminution de la durée d’hospitalisation, et a une excellente tolérance. Un contrôle scintigraphique est réalisé trois jours après le traitement par iode 131, pour s’assurer de l’absence de reliquats, et des hormones thyroïdiennes sont prescrites, à dose frénatrice en cas de facteurs de mauvais pronostic.
La surveillance après traitement.
La guérison est contrôlée neuf mois après le début du traitement par une échographie cervicale et un dosage de thyroglobuline circulante, obtenu après stimulation par la TSH recombinante. Si ces examens sont normaux, le suivi du patient se fait en ambulatoire, avec dosage annuel de la TSH et de la thyroglobuline et prescription d’hormones thyroïdiennes à dose simplement substitutive. En revanche, la présence d’anomalies signe la persistance de la maladie et justifie un traitement supplémentaire.
De nouvelles molécules à l’essai.
Le traitement de rechutes cervicales fait de nouveau appel à l’iode 131, éventuellement combinée à la chirurgie. Les métastases à distance, essentiellement osseuses et pulmonaires, concernent 5 % des patients ayant un cancer papillaire ou vésiculaire. Le traitement par iode 131 permet de guérir 30 % des cancers métastatiques. Ce taux peut atteindre 80 % chez les sujets jeunes ayant des métastases de petites dimensions fixant bien l’iode. En cas d’échec, la chimiothérapie conventionnelle est inefficace. Toutefois, depuis dix-huit mois, plusieurs essais impliquant de nouvelles thérapeutiques moléculaires ciblées ont été menés et montrent des taux de réponse intéressants. Les premiers résultats seront présentés à l’occasion du congrès de l’Asco (American Society of Clinical Oncology) en juin 2007. Ces différentes molécules en cours d’expérimentation concernent toutes la voie des MAP-kinases et agissent sur les récepteurs du Vegf et du Pdgf.
Dans les cancers médullaires, la surveillance après thyroïdectomie totale et curage ganglionnaire se fait par le dosage de la calcitonine. En cas de métastases à distance, la chimiothérapie est peu efficace (de 10 à 15 % de réponses). La chimio-embolisation des métastases hépatiques donne de meilleurs résultats. Mais dans ce type de tumeur, également, le développement des thérapeutiques moléculaires ciblées semble prometteur. Un autre progrès important réalisé dans la prise en charge des tumeurs thyroïdiennes concerne les cancers anaplasiques. Ces tumeurs étaient constamment mortelles il y a encore quinze ans, avec une espérance de vie de deux mois après le diagnostic. Aujourd’hui, à condition de les traiter précocement, avant l’apparition de métastases, par chirurgie, puis par une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie accélérée, la guérison est obtenue dans un tiers des cas.
D’après un entretien avec le Pr Martin Schlumberger, institut Gustave-Roussy, Villejuif.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature