UN TRAVAIL rétrospectif mené à partir de trois groupes de femmes (regroupant au total 1 112 femmes atteintes de cancer du sein et autant de témoins appariés) conclut qu’une densité mammaire élevée constitue un facteur de risque de cancer du sein, au même titre que l’âge ou l’existence de mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2. Ce travail montre, en effet, que les femmes dont la densité mammaire est située dans le quart supérieur ont un risque de néoplasie majoré de quatre à six fois selon leur âge. Dès les années 1970, des premières observations cliniques avaient déjà laissé penser à un tel lien, confirmé, par la suite, par plus de 42 études cliniques qui n’avaient pas permis de quantifier précisément ce risque.
La densité mammaire est déterminée par la part respective d’épithélium, de tissu conjonctif et de graisse dans le sein. Les deux premiers composants apparaissent à la mammographie comme radiodenses, voire opaques ; or ce type d’image est aussi retrouvé dans certaines formes de tumeurs. A l’inverse, la graisse apparaît comme radiotransparente ou foncée lors de cet examen. Dans ces conditions, il est possible que la difficulté du diagnostic de cancer chez les femmes présentant une densité mammaire importante soit en rapport avec la similitude de présentation clinique entre les seins denses et ceux atteints de tumeurs de petite taille.
Pour mieux appréhender ce risque, l’équipe du Dr Norman Boyd (Toronto) a analysé l’incidence des cancers du sein un an après la réalisation de la mammographie initiale. Deux types de tumeurs peuvent être découvertes de cette manière : celles qui étaient passées inaperçues lors du premier examen et celles qui croissent de façon particulièrement rapide. Dans le groupe des femmes dont la densité mammaire se situe dans le quart supérieur, le risque de cancer du sein à un an est majoré d’un facteur 3,5. Plus marquant encore, chez les 10 % de femmes dont la densité mammaire est la plus importante, ce risque est multiplié par 17,8.
Les auteurs ont ensuite procédé à une analyse du risque selon l’âge de la femme au moment de la mammographie. Chez les plus jeunes – âgées de 40 à 49 ans –, le risque est majoré de 2,5 à 5 fois alors que, chez les 60 à 69 ans, le risque était multiplié par 15 environ.
Dans un éditorial, le Dr Karla Kerlikowske (San Francisco) propose que la densité mammaire soit désormais prise en compte dans l’appréciation du risque de cancer. On considère qu’un quart des femmes environ présentent une densité mammaire qui, selon les résultats de l’étude du Dr Boyd, exposerait à une majoration du risque de cancer. Mais l’un des écueils de la mise en place de telles procédures vient du manque de reproductibilité interindividuelle de cette mesure qui reste encore, avec les techniques de mammographie habituelles, opérateur-dépendant. Les nouveaux appareils de radiographie numérisée pourraient permettre d’obtenir des images plus discriminantes et plus reproductibles chez les femmes à densité mammaire élevée. Pour le Dr Boyd, «la multiplication des examens de mammographie conventionnelle ne devrait pas permettre d’améliorer le taux de détection des cancers en raison des difficultés techniques de discrimination des lésions cancéreuses. C’est pour cette raison que le développement de scores de risque associant l’âge, l’existence de mutation et la densité mammaire pourrait permettre de proposer des recommandations d’examens complémentaires (échographie, mammographie digitale et IRM) et d’en préciser la fréquence ».
« New England Journal of Medicine », 356 ; 3, 297-299, 233-237, 18 janvier 2007.
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