DE NOTRE CORRESPONDANTE
EN AFRIQUE, 40 millions de personnes seraient infectées par le VIH, avec plus de 3 millions de décès annuel ; par ailleurs, plus de 500 millions d’épisodes de paludisme à P.falciparum surviennent chaque année, avec plus d’un million de décès associés au paludisme. Il existe un chevauchement géographique considérable entre ces maladies, en particulier en Afrique subsaharienne. Or des données ont indiqué des interactions pathologiques entre le VIH et le paludisme chez les patients doublement infectés. Il apparaît que le VIH augmente le risque d’infection paludique et le développement du paludisme clinique, notamment chez les sujets immunocompromis. Inversement, il a été montré que l’infection paludique induit la réplication du VIH1 et que les épisodes paludiques fébriles s’accompagnent d’une hausse transitoire de la charge virale, d’un facteur 10, chez les patients infectés de façon chronique par le VIH.
Les implications de cette interaction pathologique en termes de santé publique restent toutefois incertaines. Le paludisme récurrent favorise-t-il la transmission du VIH, en raison de l’élévation concomitante de la virémie durant les accès fébriles ? Il existe en effet une relation entre la virémie VIH et la probabilité de transmission du VIH1 par le coït.
Un modèle mathématique dans une région du Kenya.
Laith Abu-Raddad, James Kublin et coll. (Fred Hutchinson Cancer Research Center, Seattle) ont voulu répondre à cette question. Ils ont mis au point un modèle mathématique qui synthétise les récentes données biologiques quantitatives, et l’ont utilisé pour estimer l’impact des deux maladies l’une sur l’autre dans une région du Kenya (Kisumu), à fortes prévalences du VIH et du paludisme. Ils estiment que, au Kisumu, 5 % des infections à VIH sont dues à l’augmentation de la charge virale VIH induite par le paludisme et que 10 % des épisodes paludiques de l’adulte sont attribués à l’infection par le VIH.
L’interaction pathologique pourrait donc avoir causé depuis 1980, dans cette ville comptant environ 200 000 adultes, un excès de 8 500 infections VIH et un excès de près de 1 million d’épisodes paludiques. «Le paludisme pourrait figurer parmi les causes de la dissémination rapide du VIH en Afrique sous-saharienne», déclare au « Quotidien » le Dr Abu-Raddad. «Inversement, le VIH a attisé la dissémination du paludisme. En outre, le VIH pourrait avoir joué un rôle dans l’expansion géographique du paludisme en Afrique.»
Des implications de santé publique.
«Notre étude apporte la preuve quantitative que des coïnfections du VIH avec d’autres maladies (non obligatoirement transmises par voie sexuelle) peuvent compter parmi les causes majeures de l’incidence élevée du VIH/sida en Afrique sous-saharienne», souligne le Dr Abu-Raddad.
D’autres infections, comme l’herpès génital ou la tuberculose, pourraient également avoir contribué à l’expansion rapide du VIH en Afrique.
En s’appuyant sur leur modèle, les chercheurs estiment qu’il serait possible de réduire la transmission du VIH si on traite efficacement et assez tôt le paludisme chez les personnes VIH-infectées, et de protéger cette population contre les moustiques. «Par conséquent, il serait avantageux d’unir les services sanitaires pour le VIH et le paludisme», observent les chercheurs. «Les interactions pathologiques du VIH avec d’autres maladies nous fournissent une autre voie par laquelle on peut combattre le VIH/sida, à savoir le traitement des coïnfections, en plus des méthodes conventionnelles comme la distribution de préservatifs, les changements de comportement, la thérapie antirétrovirale, et potentiellement les vaccins», déclare le Dr Abu-Raddad.
« Science », 8 décembre 2006, p. 1603, Abu-Raddad et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature