Le terme de microalbuminurie, apparu dans la littérature médicale en 1978 pour décrire la présence d’albumine dans les urines en dessous du seuil de détection des bandelettes urinaires standards, fait référence, depuis 1985, à une excrétion d’albumine de 20 à 200 mg/min ou de 30 à 300 mg/ 24 heures. Au cours des dernières années, l’intérêt pronostique de la microalbuminurie (MA) vis-à-vis du risque rénal et cardio-vasculaire a été précisé chez les diabétiques de type 1 et de type 2, chez les hypertendus non diabétiques et dans la population générale. Aujourd’hui, la notion de seuil est remise en cause puisque le risque d’événements cardio-vasculaires s’élève dès qu’une albuminurie est présente.
Une prévalence variable.
Plusieurs études portant sur des populations variées ont montré que la prévalence de la MA différait selon les populations étudiées. Deux études ont récemment évalué sa prévalence dans la population générale.
Dans l’étude NHANES III (Third National Health and Nutrition Examination Survey), elle est de l’ordre de 8 % dans la population générale, de 28,8 % chez les diabétiques, de 16 % chez les hypertendus et de 5 % chez les sujets qui n’ont ni diabète ni pathologie cardio-vasculaire.
Dans la population de Groningen (Pays-Bas), analysée dans l’étude PREVEND (Prevention of Renal and Vascular End Stage Disease), la prévalence de la MA est de 7 % dans la population générale, de 16 % chez les diabétiques, de 11 % chez les hypertendus et de 6,6 % chez les sujets n’ayant ni diabète ni hypertension artérielle.
Qui sont ces sujets indemnes de diabète et d’hypertension qui ont une MA ? Ce sont des sujets fumeurs qui peuvent présenter un syndrome métabolique ou avoir des antécédents familiaux de diabète, d’hypertension artérielle ou de maladie cardio-vasculaire, ou des sujets chez lesquels la MA constitutionnelle pourrait être le témoin d’une dysfonction de l’endothélium vasculaire.
Dans les populations de diabétiques et d’hypertendus.
Dans une étude menée chez des patients diabétiques de type 1 (1), approximativement de 10 à 20 % d’entre eux développent une MA sur une période de surveillance de cinq à dix ans.
Au cours du diabète de type 2, l’étude UKPDS (United Kingdom prospective Diabetes Study) montre que, à partir du moment où le diagnostic de diabète est fait, la MA apparaît tous les ans chez 2 % des patients ; après dix ans d’évolution, elle est présente chez près de 25 % d’entre eux.
Dans l’étude PREVEND, la prévalence de la MA est de 8 à 15 % chez les patients hypertendus.
Dans LIFE (Losartan Intervention For Endpoint Reduction in Hypertension Study), menée sur des hypertendus ayant une hypertrophie ventriculaire gauche, elle est de 23 % (2) ; cependant, plusieurs facteurs peuvent la favoriser : le sexe masculin, le surpoids, l’insulinorésistance, l’augmentation des apports en sel et en protéines, le tabagisme…
Dans tous les cas, la MA a une signification pronostique : elle traduit toujours une augmentation du risque cardio-vasculaire et d’insuffisance rénale. Sa présence, en quantité même négligeable, est associée à une augmentation du risque d’événements cardio-vasculaires chez les diabétiques de type 1 et de type 2 et plusieurs études de cohortes (LIFE, HOPE, FRAMINGHAMM, PREVEND, MONICA, EPIC) ont montré que, comme dans le diabète, la MA est un marqueur indépendant du risque cardio-vasculaire. Certaines d’entre elles, notamment LIFE et PREVEND, montrent clairement que seule l’absence d’albumine est normale. Une protéinurie de 2 mg/24 heures est associée à un risque de mortalité cardio-vasculaire, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et d’élévation de la pression artérielle.
Blocage du SRA.
La régression de la MA est-elle associée à une diminution des événements cardio-vasculaires ? Plusieurs études apportent une réponse positive : l’étude PREVEND ID montre que chez les patients ayant une MA, à l’exclusion de tout autre facteur de risque, un traitement par fosinopril réduit la protéinurie et s’accompagne d’une diminution du nombre des événements cardio-vasculaires. Dans l’étude LIFE, la réduction de l’excrétion urinaire est associée à une amélioration du pronostic cardio-vasculaire.
Différentes études (IRMA II, MARVAL) ont confirmé l’intérêt du blocage du système rénine-angiotensine tant sur la prévention de l’apparition d’une MA que sur sa régression chez les patients diabétiques. Récemment, l’étude BENEDICT (4) a privilégié le blocage du système rénine angiotensine pour le contrôle de l’HTA chez les diabétiques de type 2 sans MA. Après 3,6 ans de surveillance, une MA est apparue chez 6 % des patients traités par IEC (trandolapril), 11,9 % des patients traités par inhibiteur calcique (vérapamil).
Plusieurs facteurs participent à la régression de la MA, ce qui a été mis en évidence dans l’étude de Perkins (3).
Parmi les 386 patients ayant un diabète de type 1 avec une microalbuminurie, suivis pendant six ans, la MA a régressé chez 58 % d’entre eux ; ces patients avaient une pression artérielle systolique < 115 mmHg, une HbA1c < 8 %, un cholestérol < 5,12 mmol/l et des triglycérides < 1,64 mmol/l.
Le mécanisme qui relie la MA et le risque cardio-vasculaire n’est pas encore élucidé, deux hypothèses sont évoquées : une atteinte rénale primitive et une anomalie vasculaire. L’atteinte rénale dont témoigne la MA est à l’origine du développement d’une HTA et de modifications métaboliques (insulino-résistance, hyperhomocystéinémie…) qui, secondairement, altèrent l’ensemble de l’endothélium vasculaire.
La seconde hypothèse s’appuie sur le fait que le rein est une fenêtre ouverte sur l’ensemble de l’arbre vasculaire. La MA refléterait une anomalie de l’endothélium associée à la survenue d’événements cardio-vasculaires et rénaux.
* CHU Dupuytren, Limoges 1) Rossing P, Hougaard P, Parving HH. « Kidney Int », 2005 ; 68 : 1446-1450.
2) Wachtell K. Ibsen H et al The Life Study.
« Ann Intern Med », 2003 ; 139 : 901-906.
3) Perkins BA, Ficociello et al. « N Engl J Med », 2003 ; 348 : 2285-2293.
4) Ruggenenti P, Fassi A et al. « N Engl J Med », 2004 ; 351 : 1941-1951.
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