Par le Pr Regis Coutant*
LE DIABETE insulinodépendant touche 1 enfant de moins de 15 ans sur 1 000. L’incidence annuelle du diabète pédiatrique en France a augmenté depuis les années 1990, et cette augmentation a été la plus forte chez les plus jeunes enfants. En effet, en dix ans, elle est passée de 4,2 à 7,5/100 000 enfants de 0 à 4 ans/an (de 1988 à 1997), soit une augmentation de près de 80 %. Plusieurs hypothèses (infections virales, immunogènes alimentaires, vaccins) ont été avancées pour expliquer cette augmentation, sans qu’aucune n’ait été prouvée.
Plusieurs éléments de la prise en charge sont particuliers au jeune enfant. La variabilité des glycémies est importante, et entraîne une fréquence accrue d’hypoglycémies sévères et de pics d’hyperglycémie. Cela est secondaire aux fluctuations de la résorption de l’insuline et de l’appétit de l’enfant. L’administration d’insuline, lorsqu’elle est effectuée par des injections sous-cutanées, peut être difficile, l’enfant ne comprend pas la raison des injections, et les parents ont parfois l’impression de les faire mal, de faire mal et de punir leur enfant. L’irrégularité de l’appétit, fréquente à cet âge, est également responsable des variations glycémiques. Le refus de s’alimenter, alors que l’injection d’insuline a été faite, est naturellement source d’angoisse pour les parents.
Un risque plus élevé d’hypoglycémies sévères chez l’enfant.
De plus, ces hypoglycémies ne sont pas toujours verbalisées et l’enfant n’est pas encore suffisamment autonome pour se resucrer seul : l’entourage constate que l’enfant est pâle, ou en sueur, mais l’enfant n’a pas perçu ou interprété cette sensation. La perception des signes adrénergiques débute à partir de 4 ans environ. Si l’hypoglycémie n’a pas été diagnostiquée à ce stade apparaissent ensuite les signes de neuroglycopénie. Une modification du caractère (crise de colère inexpliquée), une interruption brutale de l’activité, l’enfant s’asseyant ou se couchant, sont les signes les plus courants. Au-delà, une confusion apparaît, puis un coma et des convulsions. A cet âge, la détection et la correction des hypoglycémies reposent presque exclusivement sur l’entourage, et en particulier les parents, ce qui concourt à augmenter la fréquence des hypoglycémies importantes (avec neuroglycopénie) chez les jeunes enfants, trois fois plus fréquentes à cet âge par comparaison aux adolescents (qui ont eux-mêmes une fréquence d’hypoglycémie supérieure à celle des adultes).
A l’inverse, la première enfance est l’âge des maladies infectieuses de la sphère ORL et également des maladies éruptives (varicelle...) : la fièvre et l’inflammation entraînent une élévation des glycémies, car elles augmentent les besoins en insuline.
Pour toutes ces raisons, chez les enfants d’âge préscolaire, l’administration de l’insuline sous-cutanée à l’aide d’une pompe est la mieux adaptée au rythme de vie. Plus tard, entre 3 et 6 ans, elle est souvent une solution pratique et son acceptabilité est bonne.
Les avantages du dispositif.
Il s’agit d’un boîtier de petite taille, contenant un réservoir d’insuline, relié à une tubulure et à un cathéter sous-cutané. L’insuline est administrée en permanence (débit basal), et des bolus d’insuline sont déclenchés avant chaque repas. Le changement de cathéter est effectué une fois tous les trois jours en moyenne (à comparer à deux injections d’insuline par jour au moins lors des injections sous-cutanées à la seringue ou au stylo). En revanche, la pompe doit être portée en permanence, et un adulte doit être présent pour déclencher les bolus avant chaque repas. Lorsque l’équilibre métabolique est satisfaisant avec des injections sous-cutanées (HbA1c < 7,5 %), l’utilisation d’une pompe à insuline n’améliore pas cet équilibre, mais réduit la variabilité glycémique et permet surtout d’éviter des hypoglycémies majeures récidivant trop fréquemment. Lorsque l’équilibre métabolique est insuffisant (HbA1c > 8,5 %), la pompe à insuline peut améliorer cet équilibre : ce sera vrai si l’origine du déséquilibre est une fluctuation trop forte des glycémies, pas s’il s’agit d’erreurs dans l’alimentation. Plusieurs éléments ont amélioré l’acceptabilité du traitement par pompe au cours des dernières années : utilisation de cathéters souples, indolores lorsqu’ils sont en place, finesse de programmation des débits de base et des bolus (on peut programmer de très petites quantités d’insuline), verrouillage possible de la pompe de manière à ne pas déclencher un bolus par inadvertance, étanchéité des pompes autorisant la baignade, administration de bolus carrés sur une plus longue durée pour les repas qui durent… La mise en place d’une pompe et l’éducation à la pompe doivent cependant être effectuées par des centres compétents, intégrant des médecins, des infirmières et des diététiciennes habitués à ce type de traitement, et susceptibles d’offrir une assistance médicale 24 h/24.
* Service d’endocrinologie pédiatrique, pôle enfant, CHU Angers.
Les appareils de mesure continue de la glycémie
L’équilibre glycémique se juge traditionnellement par les mesures répétées, pluriquotidiennes, de la glycémie capillaire. Cependant, ces contrôles ne fournissent que des informations ponctuelles sur la glycémie et ne permettent pas de connaître précisément le profil glycémique, en particulier dans les périodes postprandiales ou la nuit. Des appareils de mesure continue de la glycémie ont été mis au point récemment. Ils sont composés d’un capteur de glucose inséré dans le tissu sous-cutané du ventre, d’un câble reliant le capteur au moniteur et d’un moniteur (boîtier de petite taille) enregistrant les données. Les appareils de première génération nécessitent un logiciel informatique pour analyser les données et ne fournissent pas d’informations glycémiques en direct pour le patient : ils correspondent à un outil d’analyse pour le médecin, mais pas à un outil d’adaptation « en direct » pour le patient. Les appareils de seconde génération comportent un écran qui affiche la glycémie en permanence, la transmission des données entre le capteur et le moniteur ne nécessite plus de câble, et la durée de vie des capteurs augmente. Plus pratiques, ils sont un outil d’adaptation de l’insulinothérapie. Ils nécessitent cependant d’être portés suffisamment longtemps, voire en permanence, pour refléter de manière précise les fluctuations glycémiques au cours de la journée et d’un jour à l’autre. Ils sont particulièrement intéressants lorsque l’équilibre métabolique est insuffisant, les hypoglycémies majeures fréquentes (en particulier la nuit). Ils sont un outil d’éducation et permettent au patient d’apprécier en direct l’effet de l’alimentation sur le profil glycémique.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature