DE NOTRE CORRESPONDANTE
«NOTRE ÉTUDE indique que ce type de vaccin a le potentiel de modifier l’évolution clinique du sida. Ce travail souligne aussi l’importance d’une population de lymphocytesTCD4+ helper de mémoire pour protéger contre la progression du sida», explique au « Quotidien » Norman Letvin, professeur de médecine à la Harvard Medical School de Boston et chercheur au centre de recherche vaccinale du Niaid (NIH, Bethesda). «Il sera important d’évaluer la protection contre la perte des lymphocytesT CD4+ de mémoire centrale dans les essais d’efficacité vaccinale qui ont lieu actuellement», ajoute-t-il.
Les vaccins peuvent conférer une protection en stimulant les réponses immunes humorales (anticorps) ou les réponses immunes cellulaires (cellules T).
Immunité cellulaire.
Dès lors qu’une stratégie visant à induire la production d’anticorps largement neutralisants n’a pas encore été mise au point, les vaccins candidats anti-VIH1 qui entrent maintenant en phase avancée d’évaluation clinique visent à induire une puissante immunité cellulaire.
On espère que cette immunité cellulaire pourra contenir la dissémination virale, réduire la réplication virale chronique et prolonger la survie sans maladie.
Certaines études menées chez le singe infecté par le SIV (Simian Immunodeficiency Virus ; virus responsable du sida chez les singes) ont montré que la vaccination préalable entraîne une baisse de la virémie et ralentit la progression vers le sida. Toutefois, dans le cas de la souche SIVmac239/251 fréquemment utilisée, les baisses de virémie ne sont que transitoires ; on se demandait donc légitimement si de tels vaccins anti-sida pourraient être bénéfiques pour l’homme.
La nouvelle étude de Letvin et coll., publiée dans « Science », apporte de nouveaux éléments qui autorisent l’optimisme.
Cinq groupes composés chacun de six singes rhésus ont reçu différents protocoles de vaccination contre le SIV. Le protocole qui a entraîné la réponse immune cellulaire spécifique la plus forte était le suivant : vaccination par plasmide ADN exprimant les gènes gag, pol et env, en trois injections à un mois d’intervalle ; puis rappel, neuf mois après, par injection d’un vecteur adénoviral réplication-déficient porteur des mêmes gènes.
Les singes ont ensuite reçu l’inoculation intraveineuse du SIVmac251.
Les chercheurs ont constaté que la réduction de la virémie chez les singes vaccinés, comparés aux singes témoins (non vaccinés), est restreinte à la phase précoce d’infection SIV (jusqu’à trois mois et demi), après quoi les singes vaccinés et les singes témoins ont la même virémie.
Bien que cela permît de prédire une survie comparable, les chercheurs ont suivi ces singes pendant encore deux ans (au total 850 jours après infection).
Préservation de lymphocytes CD4+.
Les singes vaccinés maintiennent un avantage de survie pendant toute cette période (75 % contre 15 %, 500 jours après l’infection, et près de 40 % contre 15 % à 850 jours après infection, par exemple).
De façon importante, les chercheurs montrent que cette survie est associée à la préservation des lymphocytes T CD4+ de mémoire centrale dans le sang périphérique après infection SIV, et qu’elle peut être prévue, grâce à l’ampleur de la réponse immune cellulaire induite par le vaccin.
Les nouveaux indices d’efficacité vaccinale devraient guider l’évaluation en cours des vaccins anti-sida chez l’homme.
«Cette survie prolongée, concluent les chercheurs, plaide pour la poursuite des essais cliniques d’efficacité de ce type de vaccins anti-VIH1, même s’ils n’induisent pas une immunité stérilisante.»
Letvin et coll. « Science », 9 juin 2006, 1530.
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