LA PREVALENCE des décès par polytraumatisme en France était de 350 par million d'habitants en 2002. Le traumatisme est également reconnu comme la première cause de mortalité de l'adulte jeune. « La prise en charge des polytraumatisés est un enjeu majeur de santé publique », souligne le Dr Yvonne Kalliope Maratos. L'imagerie a une place capitale dans ce domaine.
Des algorithmes de prise en charge du polytraumatisé ont été élaborés à l'hôpital européen Georges-Pompidou (Hegp)**, avec une place particulière du scanner corps entier dans la prise en charge multidisciplinaire par les équipes de radiologues et de réanimateurs. Sont considérés comme polytraumatisés, d'une part, les patients qui présentent deux lésions, dont une engageant le pronostic vital et, d'autre part, ceux victimes d'un accident à une vitesse excédant 50 km/h, ou d'une chute de plus de 3 m de hauteur, ayant une déformation des membres, impossibles à interroger, ou prenant des stupéfiants.
Tous les patients bénéficient d'une échographie abdomino-pelvienne lors de leur arrivée à l' hôpital. Ceux qui sont stables passent au scanner corps entier et les autres sont mis en réanimation ou en chirurgie selon les cas, puis ils bénéficient secondairement d'un scanner corps entier après stabilisation. Les radiographies du rachis et du bassin sont encore exigées par les traumatologues pour tous les patients.
Scanner multibarrette.
L'appareil utilisé initialement est un scanner à quatre barrettes de détecteurs, selon un protocole comportant des coupes cérébrales sans injection, une acquisition hélicoïdale millimétrique sans injection sur le rachis cervical, reconstruite dans les trois plans, une acquisition thoraco-abdomino-pelvienne injectée reconstruite en 5 mm (bras surélevés, hors du champ, si possible), et une reconstruction centrée sur le rachis dorso-lombaire avec un filtre et un champs adaptés. Ce protocole est complété dans certaines situations, par exemple un temps tardif en cas de suspicion de lésion des voies urinaires, ou un angioscanner cervical en cas de fracture proche du canal transversaire.
Entre janvier 2002 et mars 2005, 888 polytraumatisés ont été admis à l'Hegp, parmi lesquels 550 ont bénéficié d'un scanner corps entier. C'est sur ces derniers qu'a porté l'étude. Il s'agissait de patients âgés en moyenne de 39,7 ans et ayant un polytraumatisme grave. L'ISS (Index Severity Score) moyen était, en effet, de 27,3. Comme le rappelle le Dr Maratos, cet indice de gravité varie de 0 à 75 et « le polytraumatisé est jugé dans un état grave à partir d'un ISS de 16 ». Quarante-sept pour cent ont été opérés en urgence pendant les premières 24 heures et le taux de mortalité au cours de cette période était de 7 %.
« Nous avons analysé rétrospectivement les comptes rendus initiaux des scanners corps entier puis réalisé une confrontation des données issues de ce travail au dossier clinique (constatations peropératoires éventuelles) et à l'évolution clinique des patients », explique le Dr Maratos. Une analyse des faux négatifs, des faux positifs de la lecture initiale (interne et senior) et des erreurs diagnostiques a également été réalisée.
Dix fois moins de diagnostics retardés.
Trente-sept faux négatifs ont été constatés, dont 25 lésions non vues et 12 erreurs d'interprétation. Dans 7 cas, les diagnostics retardés ont entraîné une modification de la prise en charge du patient : 3 péritonites dues à une perforation intestinale, 2 hémorragies cérébrales, 1 hémorragie rétropéritonéale et 1 dissection de la sous-clavière. L'interprétation du scanner a également donné lieu à 12 faux positifs.
Entre le début et la fin de l'étude, un effet d'apprentissage est apparu, avec une baisse du nombre de faux négatifs et des faux positifs. Les taux de diagnostics retardés ont connu la même évolution : de 10,5 % en 2002, ils sont passés à moins de 1 % depuis 2004, et ce « pour des valeurs d'ISS et d'âge stables », précise le Dr Maratos. Il existe donc une nette amélioration de la précision diagnostique du scanner corps entier, liée à l'expérience croissante des radiologues en imagerie des urgences et à l'adaptation du protocole du scanner aux circonstances du traumatisme.
« Les performances des radiologues lors de la lecture initiale sont élevées », remarque le Dr Maratos. On note globalement peu de faux négatifs et de faux positifs, et ceux-ci sont généralement sans impact sur la prise en charge des patients. Enfin, les protocoles de scanner corps entier doivent être adaptés selon les premières constatations radiologiques. Les perspectives reposent sur les nouvelles possibilités offertes par le scanner 64 barrettes, les nouveaux protocoles d'exploration et de rendu des images (reconstructions volumiques). Une diminution du temps d'analyse pourrait aussi être envisagée. Un scanner 64 barrettes est installé à l'Hegp depuis mai 2005.
* Résultats présentés par le Dr Yvonne Maratos aux Journées françaises de radiologie 2005. Etude réalisée avec les Drs Adel Kalai et Thomas Loeb, Marie-Pierre Revel et les Prs Olivier Clément et Guy Frija (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
** Centre de prise en charge des polytraumatisés niveau 1.
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