DANS LA mucoviscidose, une maladie génétique récessive causée par un seul gène muté (CFTR, Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance), la sévérité de la maladie peut être très différente d'un patient à l'autre. Si l'environnement est un facteur de cette variabilité, on pense aussi que des facteurs génétiques supplémentaires, les gènes modificateurs, influent sur les symptômes et l'évolution de la maladie.
Une équipe multicentrique (groupe d'étude des gènes modificateurs), dirigée par le Dr Michael Knowles (Chapel Hill, Etats-Unis), a conduit une étude, en deux parties, portant sur plus de 1 300 patients.
La première étude (cas-témoins) porte uniquement sur des patients homozygotes pour la mutation la plus fréquente (delta-F508), afin de réduire la variabilité génétique au locus CFTR. Ils ont été sélectionnés aux extrêmes de la fonction pulmonaire pour l'âge : maladie pulmonaire, soit sévère, soit mineure. Cette classification a été confirmée en estimant le VEMS final sur la base de mesures effectuées dans les cinq années précédant l'étude. Plus de 800 patients ont été enrôlés afin d'améliorer le pouvoir statistique.
L'équipe a analysé la séquence de dix gènes (16 polymorphismes) précédemment signalés comme des gènes modificateurs potentiels. Les génotypes des variants modificateurs ont été comparés dans le groupe des patients ayant une maladie sévère (n = 263) ou mineure (n = 545).
Deux polymorphismes.
Les résultats de cette première étude montrent que seul le gène TGF-bêta 1 (Transforming Growth Factor beta 1), en particulier deux polymorphismes (promoteur -509 et codon 10), est associé au phénotype pulmonaire. Ainsi les patients présentant une maladie pulmonaire sévère ont deux fois plus de chances d'être homozygotes pour le génotype TT de -509 et le génotype CC du codon 10.
Une seconde étude de réplication a été réalisée chez près de 500 patients qui avaient, cette fois-ci, divers génotypes CFTR et diverses valeurs du VEMS. Leur génotype au codon 10 du gène TGF-bêta 1 a été déterminé.
Cette étude de réplication confirme l'association du génotype CC au codon 10 avec une maladie pulmonaire plus sévère.
« Ces polymorphismes du TGF-bêta 1 sont fréquents dans la mucoviscidose », notent les chercheurs, et ils représentent « un mécanisme génétique important qui modifie la sévérité de la maladie et l'évolution clinique dans la mucoviscidose. »
Comme le soulignent également deux éditorialistes, Haston et Hudson (Montreal), « la fraction de la variabilité de la fonction pulmonaire qui peut être attribuée à ce locus modificateur est comprise entre 15 et 20 %, ce qui est important comparé à la majorité des facteurs de risque dans les maladies polygéniques ».
« De nombreuses leçons peuvent être extrapolées de l'étude, ajoutent-ils, en commençant par la reconnaissance de l'importance énorme de l'organisation de l'étude. »
De nouveaux traitements.
Ils soulignent les implications thérapeutiques pour la mucoviscidose. « Si les résultats de cette étude sont vrais et liés à l'activité du TGF-bêta 1, on pourrait envisager, pour traiter la mucoviscidose, des médicaments comme les agonistes du PPAR gamma (Peroxisome-Proliferator-Activated Receptor gamma), qui peuvent inhiber la différenciation des myofibroblastes pulmonaires et la production de collagène induite par le TGF-bêta 1, et la simvastatine, qui peut inhiber l'expression du facteur de croissance dans les fibroblastes pulmonaires. »
« Nous sommes sur le point (d'ici à deux ou trois ans) de dépister d'autres variants génétiques du génome humain (plus de 20 000 gènes), explique au "Quotidien" le Dr Micheal Knowles. Notre espoir est d'identifier la plupart des gènes modificateurs importants dans la mucoviscidose, de façon à les utiliser pour le pronostic, l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques et peut-être même guider le traitement chez chaque patient en le rattachant à un groupe ou à un type de modificateurs néfastes. Par exemple, certains patients pourraient s'aggraver parce qu'ils ont des gènes d'inflammation sévère, d'autres en raison de différences dans leurs gènes de la mucineet d'autres du fait de leurs gènes de la croissance/métabolisme, etc. Le traitement pourrait donc être ciblé vers un domaine particulier d'un patient. Cela est important non seulement pour la mucoviscidose, mais pour d'autres maladies pulmonaires, car les gènes modificateurs de la mucoviscidose seront observés dans d'autres maladies. Nous avons pu établir une vaste population de patients bien définis, et nous sommes prêts à avancer rapidement vers un dépistage du génome entier. ».
« New England Journal of Medicine », 6 octobre 2005, pp. 1443 et 1509.
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