HTA du sujet âgé

Pour une bonne gestion du traitement

Publié le 25/05/2005
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COMME S. LEWINGTON et coll. l'ont montré dans une métaanalyse portant sur un million d'individus (1), le niveau de pression artérielle reste associé au risque de mortalité cardio-vasculaire, même chez les sujets de plus de 80 ans. En 2000, J. A. Staessen et coll. avaient calculé que dans la tranche d'âge 60-69 ans, il faut traiter 169 hypertendus pendant cinq ans pour éviter une maladie cardio-vasculaire, mais que ce nombre tombe à 52 chez les plus de 70 ans (2). Les chiffres sont tout aussi convaincants pour les événements coronariens et les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ainsi, il faut traiter 39 hypertendus de 60-69 ans pendant cinq ans pour prévenir un AVC contre seulement 19 chez les plus 70 ans pour obtenir le même bénéfice.
A la question du bénéfice du traitement chez les hypertendus de plus de 80 ans, il est classique de répondre qu'aucun essai n'ayant inclus que des patients de cet âge n'a été réalisé jusqu'à présent. Toutefois, des données suggèrent un effet favorable même dans cette catégorie d'âge.
La métaanalyse de F. Gueyffier et coll. (3), qui regroupe les principaux essais randomisés réalisés chez des hypertendus de plus de 60 ans ayant inclus des octogénaires, indique que la baisse tensionnelle obtenue par les médicaments chez les plus de 80 ans permet de diminuer significativement les complications cardio-vasculaires non mortelles (AVC et insuffisance cardiaque). En revanche, une tendance à une augmentation non significative de la mortalité totale est observée (+ 6 %) dans le groupe traité comparativement au groupe placebo.
Les données récentes de l'étude HYVET-pilote (4) apportent de nouvelles informations concernant la prise en charge des hypertendus très âgés. Ce travail a inclus 1 283 hypertendus âgés de plus de 80 ans, randomisés en trois groupes (placebo, diurétiques thiazidiques ou IEC) pour un suivi moyen de treize mois. Les résultats indiquent une diminution significative de 53 % du nombre d'AVC chez les sujets traités comparativement à ceux sous placebo. Dans ce travail, aucune augmentation significative de la mortalité totale n'a été observée dans les groupes traités.

Dépister l'hypotension orthostatique.
L'hypertension artérielle se définit par des valeurs ≥ 140/90 mmHg quel que soit l'âge. La mesure doit être répétée au moins deux fois à cinq minutes d'intervalle, et les chiffres doivent être confirmés lors de trois consultations différentes. Il est recommandé de toujours chercher une hypotension orthostatique, définie par une diminution de 20 mmHg de la pression artérielle systolique après une et trois minutes d'orthostatisme. Sa fréquence est inférieure à 5 % avant 65 ans, mais elle atteint 15 à 30 % au-delà de 75 ans. Comme K. H. Masaki et coll. l'ont bien montré dans le Honolulu Heart Program (5), l'hypotension orthostatique est un facteur prédictif indépendant significatif de la mortalité globale.

Dépister l'effet blouse blanche.
Au cours du vieillissement, on observe une altération du baroreflexe avec, pour conséquence, une importante augmentation de la variabilité de la pression artérielle. Dans l'étude SYST-EUR (6) chez des hypertendus de plus de 60 ans suivis en consultation, un patient sur quatre présentait en réalité une hypertension blouse blanche. La prévention des accidents vasculaires cérébraux et des événements cardio-vasculaires n'a été observée que chez les patients ayant une hypertension permanente, aucun bénéfice n'ayant été constaté chez les sujets concernés par l'effet blouse blanche. D'après l'expérience de l'hôpital Broca, chez les sujets très âgés (80 ± 5 ans en moyenne), la prévalence de cette forme d'hypertension est de 45 %.
La MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle) et l'automesure tensionnelle sont les deux méthodes qui permettent de confirmer le diagnostic d'hypertension permanente. Le protocole d'automesure recommandé se fait selon la règle des trois : sujet en position assise devant une table, trois mesures le matin dans l'heure qui suit le lever, trois mesures le soir dans l'heure qui précède le coucher, au moins trois jours consécutifs.
En résumé, le dépistage de l'effet blouse blanche est essentiel pour la prise en charge des hypertendus âgés, car la prescription du traitement antihypertenseur ne se révèle pertinente que chez les « vrais hypertendus », dont la pression artérielle reste élevée en dehors de la consultation. A l'inverse, la prescription d'un antihypertenseur en cas d'effet blouse blanche expose aux risques de iatrogénie, en particulier d'hypotension avec un risque de chutes dont les conséquences sont parfois dramatiques chez le sujet âgé.

Une évaluation gériatrique globale indispensable.
La bonne gestion du traitement antihypertenseur chez l'hypertendu âgé s'insère dans le cadre d'une évaluation gériatrique standardisée (EGS), qui prend en compte les fonctions cognitives, les comorbidités, les médicaments associés, le fonctionnement rénal, le statut nutritionnel, le risque iatrogène, ainsi que l'espérance et de la qualité de vie du patient. Tenir compte du fonctionnement cognitif est essentiel chez l'hypertendu âgé. En effet, plusieurs études ont démontré qu'une hypertension à l'âge de 60-70 ans s'accompagne d'une augmentation du risque de démence dix à quinze ans plus tard et que le traitement de l'HTA permet de réduire le déclin cognitif. L'évaluation de la fonction rénale (au moyen de la formule de Cockroft) permet l'ajustement des doses de médicaments à élimination rénale. Enfin, la prise en compte des médicaments associés est importante afin d'éviter les risques de iatrogénie. Certaines prescriptions médicamenteuses sont considérées comme inadaptées chez les sujets âgés. Cette notion a été précisée par M. H. Beers et coll. dont le recensement des produits inadaptés chez le sujet âgé est connu sous le nom de « liste de Beers » (7).

Stratégie thérapeutique.
Chez le patient âgé, la mise en œuvre du traitement antihypertenseur obéit aux recommandations générales, mais elle doit néanmoins être particulièrement progressive, notamment chez les individus fragiles. Deux médicaments sont souvent nécessaires pour contrôler les chiffres tensionnels. Le choix de l'antihypertenseur répond aux recommandations en vigueur. L'adaptation thérapeutique peut se faire selon la stratégie dite des « paniers thérapeutiques ». Le premier panier comporte les bêtabloquants, les IEC et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II ; le second, les diurétiques et les antagonistes calciques. Chez le patient âgé, il est recommandé de commencer par un médicament du panier 2 (diurétique thiazidique ou inhibiteur calcique). En cas d'échec de la monothérapie, on passera à une bithérapie, en ajoutant au médicament initial un médicament de l'autre panier (panier 1).

D'après un entretien avec le Dr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris)
(1) « Lancet » 2002;360:1903-1913.
(2) « Lancet » 2000;355:865-872.
(3) « Lancet » 1999;353:793-796.
(4) « J Hypertens » 2003;21:2409-2417.
(5) « Circulation » 1998;98:2290-2295.
(6) « Lancet » 1997;350:757-764.
(7) « Arch Intern Med » 1997;157:1531-1536.

> Dr GERARD BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7757