De notre correspondante
à New York
« Pour la première fois, nous pouvons expliquer à travers un modèle moléculaire pourquoi certaines drogues produisent toutes le même type de symptômes comportementaux », souligne le Dr Per Svenningsson (Rockefeller University, New York), premier auteur de l'étude publiée dans la revue « Science ».
« Cela est remarquable, car l'étude montre que l'altération d'un seul acide aminé sur une protéine unique peut abolir les effets de ces drogues psychomimétiques sur le comportement », ajoute le principal investigateur, le Dr Paul Greengard, qui dirige le laboratoire de neurosciences moléculaire et cellulaire à la Rockefeller University. En 2000, ce chercheur partageait le prix Nobel de médecine pour son travail sur les neurotransmetteurs et, justement, la DARPP-32. « Cette recherche indique sans aucun doute de nouvelles cibles pour le développement de médicaments antipsychotiques », poursuit-il.
Cette étude résoud aussi un vieux débat en psychiatrie qui porte sur la nature du principal neurotransmetteur responsable dans la schizophrénie. L'affection a été associée à des dysfonctions des neurotransmissions dopaminergiques, sérotoninergiques et glutamatergiques. En effet, des agonistes dopaminergiques (comme l'amphétamine D), des agonistes sérotoninergiques (comme le LSD) et des agonistes glutamatergiques (comme le PCP ou « poudre d'ange ») induisent des états psychotomimétiques qui évoquent la schizophrénie. Ces drogues aggravent, en outre, la symptomatologie chez les schizophrènes.
La fonction de la protéine DARPP-32
L'équipe du Dr Greengard avait précédemment montré que la fonction de la protéine DARPP-32 (phosphoprotéine de 32 kd régulée par la dopamine et l'AMPc) est déterminée par quatre sites de phosphorylation (ajout d'une molécule phosphate sur un acide aminé spécifique).
Dans l'étude présente, les chercheurs ont découvert que l'amphétamine, le LSD et le PCP régulent, à travers des mécanismes différents, la phosphorylation de la protéine DARPP-32 au niveau de trois sites (Thr34, Thr75 et Ser130).
Les trois voies psychotomimétiques (amphétamine, PCP, LSD), en régulant la phosphorylation de DARPP-32, inhibent en aval de DARPP-32, l'enzyme PP1 (protéine phosphase 1), ce qui augmente la phosphorylation de divers substrats de PP1 dans le cortex et le striatum.
Les chercheurs ont aussi étudié les effets de l'amphétamine, du PCP et du LSD chez la souris mutante déficiente en DARPP-32, ainsi que chez des souris porteuses d'une mutation dans l'un des trois sites de phosphorylation de DARPP-32.
Amphétamine, PCP et LSD
Les symptômes d'allure schizophrénique - comme les mouvements répétitifs et les anomalies de perception sensorielle -, qui sont normalement provoqués par l'amphétamine, le PCP et le LSD, sont fortement atténués chez les souris mutantes exposées aux psychotomimétiques.
Cette étude, bien sûr, ne suggère pas que la protéine DARPP-32 est la cause première de la schizophrénie, mais elle ouvre néanmoins de nouvelles voies pour la traiter.
Des recherches précédentes de l'équipe du Dr Greengard ont aussi démontré que la protéine DARPP-32 régule les effets de certains antidépresseurs ainsi que les effets de drogues comme la cocaïne, les opiacés et la nicotine.
« Nous commençons à croire que la protéine DARPP-32 est vraiment une molécule maîtresse qui intègre l'information venant de toutes parts du cerveau, médie et régule les actions de nombreux neurotransmetteurs », déclare le Dr Greengard. « Cette molécule maîtresse semble être impliquée dans de nombreux comportements, y compris ceux liés à l'humeur et à la façon dont nous percevons le monde », ajoute le Dr Svenningsson.
« Science », 21 novembre 2003, p. 1412.
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