Par rapport aux hommes, les femmes en période d'activité génitale et de préménopause présentent un risque cardio-vasculaire de deux à cinq fois moindre (selon les pays étudiés) que les hommes. Pour le Pr Eric Bruckert (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), « ces différences sont à la fois liées au statut hormonal mais aussi à un facteur comportemental propre : les femmes en effet sont plus sensibles au fait de s'alimenter de façon mieux équilibrée et, jusqu'à une date récente, leur consommation d'alcool et de tabac était plus modérée que celle des hommes ». Globalement, on peut considérer qu'une femme atteint le même niveau de risque cardio-vasculaire qu'un homme, avec un délai moyen de dix ans ; et que c'est n'est pas avant l'âge de 70 ans que le risque devient identique dans les deux sexes.
A titre d'exemple, l'incidence des infarctus du myocardes non mortels, évaluée en 1997-1998 lors de l'étude MONICA France, est éloquente : chez les hommes, ce taux pour 100 000 habitants est respectivement de 58,1 pour les 35-44 ans, de 154,8 pour les 45-54 ans, de 251,2 pour les 55-64 ans et de 349,8 pour les 65-74 ans, alors que chez les femmes ces chiffres sont de 7,7, 19,2, 47,6 et 125,9. En 2000, l'ANAES a proposé de considérer l'âge comme un facteur de risque à partir de 45 ans chez l'homme et de 55 ans chez la femme.
Des tableaux cliniques différents
D'un point de vue clinique, il existe des variations de présentation des tableaux cliniques entre les deux sexes, en particulier de celui de l'atteinte des artères coronaires : majoration du nombre des coronaropathies à coronaires normales, des syndromes X coronariens et des faux positifs à l'épreuve d'effort. « C'est en outre une habitude que les femmes sont, quel que soit le pays, moins bien prises en charge lorsqu'elles présentent des affections cardio-vasculaires. On constate aussi que les femmes présentant des pathologies telles que le surpoids ou le diabète bénéficient moins que les hommes de traitements performants », ajoute le Pr Bruckert.
Pilules et risque veineux
Le risque vasculaire des contraceptifs oraux a été diminué de façon notable depuis que les doses d'estrogènes utilisés dans ces traitements sont proches de 30 μg/j. « Actuellement, on considère que le risque relatif d'accidents thromboemboliques veineux est maximal au cours de la première année de prescription du contraceptif estroprogestatif et qu'il se stabilise au cours de la deuxième année. Chez toutes les femmes, il est majoré en cas d'anomalies de l'hémostase, mais reste peu influencé par la consommation tabagique. En revanche, si le risque d'infarctus du myocarde n'est augmenté que très modérément chez les femmes sous contraceptifs oraux, il est nettement majoré (risque relatif multiplié par 4) en cas d'intoxication tabagique associée (plus de 15 cigarettes par jour), en particulier chez les femmes de plus de 35 ans. Enfin, le risque relatif d'accidents vasculaires cérébraux reste significativement plus élevé (de l'ordre de 1,5) sous estroprogestatifs - y compris avec les contraceptifs de deuxième génération - et il est multiplié par au moins 3 en cas de tabagisme ou d'hypertension artérielle associée », explique le Pr Eric Bruckert.
La physiopathologie de cette majoration du risque cardio-vasculaire chez les femmes sous contraceptifs oraux commence à être mieux comprise. Les estrogènes de synthèse augmentent les fractions HDL et LDL ainsi que les triglycérides. Ils sont en outre dotés d'une action procoagulante dose-dépendante. Les progestatifs de 1re et 2e génération, du fait de leur effet androgénique, majorent le taux de LDL et altèrent la tolérance au glucose.
Respect des contre-indications
« C'est pour ces raisons que toute prescription de contraceptifs oraux doit prendre en compte certaines contre-indications : antécédents personnels d'accidents thromboemboliques, anomalies de l'hémostase, tabagisme (plus de 15 cigarettes par jour en particulier chez les femmes de plus de 35 ans) et hypertension artérielle préexistante. Les anomalies lipidiques constituent des contre-indications relatives et doivent être appréciées individuellement par des lipidologues avant la mise en place du traitement », conclut le Pr Bruckert.
D'après un entretien avec le Pr Eric Bruckert, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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