4e Rencontres de gérontologie pratique 30-31 janvier 2003 à Paris

Dépister et traiter l'hyperthyroïdie du sujet âgé

Publié le 20/02/2003
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CONGRES HEBDO

L'hyperthyroïdie est moins fréquente chez le sujet âgé que chez le sujet jeune, et les symptômes cliniques, notamment l'exophtalmie et le goitre, sont souvent moins typiques. Elle peut se manifester de plusieurs façons. La forme cardiaque, caractérisée par une tachycardie ou une fibrillation auriculaire (FA), est volontiers révélatrice et 13 % des FA isolées sont d'ailleurs attribuées à une hyperthyroïdie. La cardiothyréose et les troubles du rythme qui l'accompagnent peuvent être à l'origine d'une insuffisance cardiaque grave, à débit élevé, souvent difficile à contrôler par le traitement digitalo-diurétique.
Le diagnostic doit également être évoqué devant une symptomatologie neurologique dominée par une démence, un syndrome dépressif et une faiblesse musculaire. Il existe également des formes où le tableau est dominé par une altération massive de l'état général. L'amaigrissement est particulièrement fréquent chez le sujet âgé, qui, contrairement aux patients plus jeunes, ne présente pas toujours une conservation de l'appétit.
Devant tous ces symptômes peu spécifiques, le diagnostic d'hyperthyroïdie doit être envisagé. Le diagnostic positif est assez simple. La découverte d'une TSH basse doit conduire à doser les hormones périphériques, T3 et T4 libres. Dans cette indication, contrairement aux autres pathologies thyroïdiennes où elle a perdu beaucoup de son attrait, la scintigraphie reste l'examen essentiel du bilan étiologique. Chez le sujet âgé, l'aspect le plus classique est le goitre multinodulaire toxique. L'utilisation d'iode 123 est préférée à celle du technétium 99, car elle permet de calculer les doses d'iode 131 en cas de traitement par radio-iode.
En effet, chez la personne âgée, le traitement de choix en première intention, en l'absence de contre-indications (essentiellement l'incontinence urinaire et la dépendance du patient), est l'iode radioactif. Actuellement, celui-ci peut être administré en externe, mais les normes européennes devraient ultérieurement imposer sa réalisation en chambre protégée dans un service de médecine nucléaire. En cas d'hyperthyroïdie importante, le patient doit recevoir au préalable un traitement par Néo-mercazole, car, en détruisant les cellules thyroïdiennes, le radio-iode entraîne un relargage des hormones thyroïdiennes dans le sang et une accentuation de l'hyperthyroïdie.

Les formes infracliniques sont fréquentes

Enfin, il existe de nombreuses formes infracliniques (de 1,3 à 4,9 % des sujets âgés de plus de 60 ans) qui sont découvertes lors d'un bilan systématique, effectué à l'occasion d'une hospitalisation, par exemple.
Ces formes, définies par une concentration en TSH abaissée (< 0,1 mUI/l) et des valeurs normales de T3 et de T4 libres, méritent d'être prises en charge non pas tant en raison du risque de progression, qui ne dépasse pas 5 % pour les goitres multinodulaires, mais davantage à cause des complications cardio-vasculaires.
Dans l'étude de Framingham, le risque relatif de fibrillation auriculaire était multiplié par trois chez les patients de plus de 60 ans qui avaient une TSH inférieure à la normale, et le suivi d'une cohorte de 1 000 patients a révélé une augmentation de la mortalité globale et d'origine cardio-vasculaire chez ces sujets. Il a été montré que l'hyperthyroïdie infraclinique s'accompagne de modifications du débit cardiaque et de résistances vasculaires, anomalies qui régressent sous traitement. Il a également été constaté une augmentation du turnover osseux et une diminution de la densité osseuse, surtout chez les femmes ménopausées, mais aucune étude ne permet d'affirmer que le risque fracturaire est accru. Il n'existe pas de consensus sur l'attitude à adopter devant la découverte d'une TSH basse. La tendance actuelle est, après confirmation des anomalies par un nouveau bilan deux ou trois mois plus tard, de mettre en route un traitement afin de limiter les complications sus-citées.
L'intérêt du dépistage de l'hyperthyroïdie du sujet âgé est, bien sûr, d'éviter les complications et la mortalité, mais il a un coût non négligeable, d'autant que, sur 100 examens effectués, 95 seront négatifs. Il est donc indispensable de cibler la population à qui il est proposé, c'est-à-dire essentiellement les personnes ayant un régime pauvre en iode, les femmes, les patients traités par amiodarone et les sujets ayant des antécédents thyroïdiens, par exemple, un goitre connu.

D'après la communication du Dr Marie-Odile Bernier, service de médecine nucléaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Les règles de radioprotection

L'incontinence urinaire et la dépendance sont des contre-indications, car l'iode est éliminé principalement dans les urines, mais aussi dans la transpiration et la salive. Le patient « irradie » dans un rayon de trois à quatre mètres autour de lui. Pendant cinq jours, il devra éviter les femmes enceintes et les enfants de moins de 15 ans, et dormir seul.

Dr Pierre CONSTANT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7279