Comme nombre de pratiques en médecine, le monitoring foetal est entré dans les habitudes, mais des évaluations manquent à son sujet. En fait partie l'usage qui consiste à le réaliser chez les parturientes entrant en salle de travail, afin de juger s'il doit être poursuivi au cours de l'accouchement. C'est l'objectif que se sont fixé Lawrence Impey (Oxford) et coll. : comparer le bénéfice néonatal d'une cardiotocographie de 20 minutes à une auscultation intermittente des bruits du coeur foetal. Leur travail suggère fortement que l'électronique n'apporte rien de plus que l'oreille humaine sur le devenir du bébé.
Il faut se souvenir que la cardiotocographie a été introduite voici une vingtaine d'années dans l'espoir de réduire les séquelles neurologiques, par le dépistage des hypoxies. Et qu'elle n'a pas, semble-t-il, répondu aux attentes. Elle demeure incontestable dans la surveillance des accouchements considérés à risque. En dehors de ces situations, surtout en l'absence d'une évaluation du pH foetal, elle a été accusée de majorer le nombre d'interventions, sans bénéfice à long terme.
Sous monitoring pendant 20 minutes
Le médecins britanniques ont donc mené une étude auprès de 8 580 femmes entrant en salle de travail. Toutes étaient considérées comme à faible risque de détresse néonatale. Elle ont été réparties en deux groupes sensiblement égaux. L'un mis sous monitoring pendant 20 minutes, l'autre bénéficiant d'auscultations classiques.
Parmi les 4 298 femmes ayant finalement bénéficié d'une cardiotocographie, 56 (1,3 %) ont donné naissance à un enfant entrant dans le cadre des morbidités enregistrées. Parmi les 4 282 suivies classiquement, 55 (1,3 %) ont vécu la même situation pathologique. Le risque relatif est donc de 1,1 pour une surveillance par auscultation. Les autres indicateurs de morbidité néonatale sont similaires entre les deux groupes. Enfin, malgré une augmentation des monitorings en continu et de prélèvements sanguins chez les foetus, liée à la tocographie d'entrée, il n'y a pas plus de césariennes, forceps ou épisiotomie dans l'un ou l'autre groupe.
Les médecins britanniques reconnaissent les limites de leur travail. Tout d'abord le nombre de femmes exclues (près de 20 000 sur plus de 28 000 naissances).
Les parturientes avaient eu une rupture artificielle de la poche des eaux. L'existence d'un liquide clair rend le monitoring moins utile.
Quelques femmes incluses dans l'étude étaient avant terme. Leur pourcentage est si faible (moins de 1 %) qu'il ne peut avoir influé sur les résultats.
Les sages-femmes, à l'admission, ont considéré 32 % des tocographies comme anormales. Un chiffre apparemment trop élevé. Le taux réel, probablement plus bas, ne ferait que renforcer les conclusions.
Dernière limite : le nombre de femmes enrôlées est insuffisant pour tirer des conclusions sur le long terme. Un tel suivi est prévu.
Les auteurs concluent en rappelant que même s'il existe des altérations du monitoring liées à l'acidose au cours du travail, son utilisation en continu est d'une efficacité limitée en prévention et prédiction d'une atteinte neurologique. L'acidose est une cause rare d'issue défavorable pour le nouveau-né et, donc, une sélection, même précise, des femmes à risque, notamment par tocographie, n'aurait qu'un bénéfice modeste.
« Lancet », vol. 361, 8 février 2003, pp. 465-470.
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