De notre correspondante
à New York
« Un objectif prométhéen de la biomédecine moderne est de réparer les organes lésés », commentent, dans un article associé, les Drs Scott et Stainier, de l'université de San Francisco. « Les cellules souches sont censées jouer un rôle essentiel dans cet effort. Toutefois, les résultats des récentes études remettent en question la plasticité des cellules souches adultes et des dilemmes éthiques sont liés à l'utilisation des cellules souches embryonnaires dérivées d'embryons humains », notent-ils. « Une approche alternative est d'amener les organes lésés a se régénérer ou se réparer eux-mêmes. »
Poss et coll. adoptent cette stratégie en démontrant que le cur du poisson zèbre adulte est capable de régénération. Puisque le poisson zèbre est devenu l'un des modèles génétiques préférés pour le développement des vertébrés, cette découverte devrait ouvrir de nouvelles voies intéressantes dans l'étude de la régénérescence cardiaque.
L'homme, comme tous les autres mammifères, ne montre que peu d'exemples de régénérescence tissulaire, et le plus remarquable est certainement la capacité du foie à régénérer un tissu hépatique lésé.
Salamandre, triton, ver plat
D'autres animaux présentent au contraire une incroyable aptitude à régénérer leurs tissus, comme la salamandre, le triton et bien sûr le ver plat, qui est capable de recréer un nouvel animal complet à partir d'un petit bout de tissu. Le poisson zèbre, a-t-on appris récemment, peut lui aussi régénérer ses nageoires, sa moelle épinière et sa rétine.
Une équipe de chercheurs de la Harvard Medical School (Boston), dirigée par le Dr Poss, a cherché à savoir si le poisson zèbre peut aussi régénérer son cur. A cette fin, les chercheurs ont opéré les poissons en leur enlevant la pointe du ventricule, soit 20 % du volume du cur. Une semaine après, les poissons opérés étaient de nouveau capables de nager aussi allègrement que leurs compagnons d'aquarium. Deux mois après l'opération, le cur des poissons avait retrouvé sa taille, sa forme et ses propriétés contractiles normales.
Prolifération des cardiomyocytes
Les chercheurs ont étudié le mécanisme de cette régénérescence. La restauration du muscle cardiaque ne résulte pas d'une augmentation de la taille des myocytes cardiaques restants, mais d'une prolifération des cardiomyocytes qui sont adjacents à la zone de lésion. Cela est démontré par l'incorporation de bromodésoxyuridine (un marqueur de nouvelle synthèse d'ADN et donc de division cellulaire) et par l'échec de la régénérescence cardiaque chez des poissons porteurs d'une mutation du gène Mps1, une kinase requise pour la prolifération cellulaire.
Bien que des caillots de fibrine apparaissent initialement dans la plaie opératoire, ils sont remplacés par la prolifération des cardiomyocytes qui infiltrent la zone lésée, et il ne survient pas de dépôts de collagène ni de cicatrisation fibreuse. « Ainsi, la prolifération des cardiomyocytes induite par la lésion chez le poisson zèbre peut surmonter la formation de cicatrice et permettre une régénérescence du muscle cardiaque », concluent les chercheurs. « Cela indique que le poisson zèbre sera utile pour disséquer génétiquement les mécanismes moléculaires de la régénérescence cardiaque. »
Que pourra-t-on faire chez l'homme ?
On est en droit de se demander si ce modèle peut être exploité pour induire une régénérescence similaire dans le cur humain.
Ce dernier, comme celui des mammifères, ne se régénère pas, et le myocarde endommagé est remplacé par un tissu fibreux cicatriciel.
En effet, le cur de l'homme répond à la lésion en induisant localement une hypertrophie des cardiomyocytes, sans division cellulaire. Toutefois, des résultats récents suggèrent qu'une prolifération des cardiomyocytes est possible, bien que rare, dans le cur humain lésé. Un autre argument prometteur est la découverte d'une souris (MRL) qui est capable, comme le poisson zèbre, de guérir des lésions cardiaques induites par congélation. Cette caractéristique a été associée à au moins 6 loci génétiques, et l'identification de ces gènes sera utile.
« Science » du 13 décembre 2002, pp. 2188 et 2141.
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