Dans les régions fortement touchées par le paludisme, la population semble avoir développé des mutations pour se protéger de son évolution sévère ou fatale.
En effet, l'existence d'un chevauchement géographique entre le paludisme - une infection parasitaire des globules rouges - et la fréquence élevée de mutations de l'hémoglobine ou de protéines à la surface des globules rouges suggère que des gènes mutants ont été sélectionnés chez l'homme par le paludisme sévère.
L'exemple de la drépanocytose
Un exemple est la mutation drépanocytaire du gène de l'hémoglobine concentrée dans certaines populations.
Maier (Walter and Eliza Hall Institute, Melbourne) et coll. ont maintenant découvert un nouvel exemple de sélection génétique par le paludisme. Une mutation spécifique du gène glycophorine C, un récepteur à la surface des globules rouges, est trouvée chez les Mélanésiens, et cette mutation entraîne une négativité du groupe sanguin Gerbich (Ge).
De façon étonnante, cet allèle muté du gène glycophorine C est trouvé chez presque la moitié (46,5 %) de la population des régions côtières de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où sévit fortement le paludisme.
La protéine EBA140, candidate pour un vaccin
Plasmodium falciparum se fixe à des récepteurs sur les globules rouges, récepteurs qui permettent ainsi l'entrée du parasite dans le globule rouge ; deux récepteurs sont connus : les glycophorines A et B.
L'équipe de Maier et coll. a maintenant montré que P. falciparum se fixe aussi au récepteur glycophorine C (GYPC), grâce à sa protéine EBA140, et que cette interaction lui ouvre une voie d'invasion majeure dans le globule rouge. Des anticorps anti-EBA140 inhibent la voie EBA-GYPC et réduisent l'invasion du parasite.
De plus, démontrent les chercheurs, P. falciparum ne peut se lier au récepteur GYPC muté et envahit beaucoup moins bien les globules rouges Ge-négatifs.
« Une invasion réduite du parasite dans les globules rouges des individus Ge-négatifs devrait entraîner une parasitémie plus faible, ce qui pourrait avoir un effet important sur la sévérité de la maladie », notent les chercheurs. « Cela fournit une preuve solide en faveur de l'idée selon laquelle la négativité Ge est apparue dans les populations mélanésiennes à travers une sélection naturelle par le paludisme sévère », concluent les chercheurs.
« La découverte que la glycophorine C est un récepteur pour une nouvelle voie d'invasion du parasite du paludisme dans les globules rouges à des implications importantes », explique aussi au "Quotidien" le Dr Alan Cowman (Melbourne), qui a dirigé l'équipe. « EBA140 devient un candidat pour un vaccin. Il nous faut comprendre les différentes voies et utiliser pour un vaccin des combinaisons de protéines qui sont impliquées dans chacune des voies afin de les bloquer ensemble. »« La compréhension du rôle joué par les protéines en aval devrait fournir de nouvelles cibles thérapeutiques », ajoute-t-il.
Enfin, souligne-t-il, « cela représente un très bon exemple de puissante pression sélective venant d'une maladie infectieuse sévère ».
« Nature Medicine », 9 décembre 2002, DOI : 10.1038/nm807.
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