Si le dosage sanguin de l'antigène spécifique de la prostate (PSA) est un excellent moyen de suspecter un cancer de la prostate, il n'est pas un bon marqueur pronostique. Il ne permet pas, notamment, de savoir si le cancer est déjà métastatique ou s'il reste localisé.
Dans la revue « Nature », des généticiens du Michigan laissent entrevoir l'existence de molécules dont la concentration varie au moment de la dissémination métastatique et qui pourraient servir de marqueurs de l'existence de métastases. Ces molécules, qui ne sont que le reflet de la transcription de gènes liés au cancer, peuvent aujourd'hui être identifiées grâce à la technologie des puces à ADN.
Les micropuces à ADN ont déjà permis de comparer les gènes qui s'expriment dans une prostate normale à ceux activés durant les stades précoces et avancés du cancer de la prostate. Dans un précédent travail (« Nature » 2001), il était curieusement apparu qu'au fur et à mesure du développement cancéreux un nombre croissant de gènes étaient inhibés (et non le contraire). Il apparaissait donc que la possibilité de dissémination métastatique était liée à une moindre transcription génique.
Les travaux publiés cette semaine ont apporté un embryon d'explications. Le principal gène activé dans le cancer avancé de la prostate code pour une famille de protéines, EZH2, dont le rôle est de réprimer la transcription génique. Quand le gène EZH2 est activé, un certain nombre de gènes deviennent par conséquent muets. Si ces gènes sont impliqués dans le contrôle du volume tumoral, leur inhibition aura alors un effet favorable sur la croissance tumorale.
163 gènes muets
Pour valider cette hypothèse, les chercheurs ont d'abord constaté que l'ARN messager (ARNm) des protéines EZH2 était significativement augmenté dans les tumeurs malignes de la prostate par rapport aux quantités présentes dans les tumeurs bénignes. D'autres travaux avaient préalablement montré un accroissement majeur (x 12) de cet ARNm dans les tumeurs métastatiques par rapport aux tumeurs localisées. Pour prouver la nature désinhibitrice du gène EZH2 (suppresseur), les chercheurs ont volontairement augmenté les taux d'EZH2 dans des cultures de cellules de cancer de la prostate. Ils ont alors constaté que le niveau d'expression de 163 gènes s'effondrait (en l'absence de toute nouvelle expression génique) et que la prolifération tumorale se renforçait. A l'inverse, après administration de petites quantités d'ARN interférant avec EZH2 (blocage), le taux de prolifération cellulaire était nettement ralenti. La majoration de l'expression du facteur EZH2, dans la cancer de la prostate, qui met en silence un certain nombre de gènes et augmente la prolifération cellulaire, pourrait se rencontrer dans d'autres cancers.
« Pour être pleinement satisfait par l'hypothèse du rôle d'EZH2, il faudrait qu'il inhibe des gènes impliqués dans la suppression tumorale », remarque dans un éditorial un médecin de l'hôpital de Boston. L'analyse des 163 gènes muets montre que la réponse est en partie vraie (facteur Znfnlal, Rho GTPase-activating protein 1...) et en partie fausse. Certains gènes, comme celui de l'enzyme MMP-7 que l'on croyait impliquée dans la capacité d'envahissement des tissus environnants, sont inhibés par EZH2. « Il n'est pas impossible, dit encore l'éditorialiste, que la suppression de la transcription induite par EZH2 soit ensuite suivie par d'autres activations géniques. A terme, c'est l'équilibre entre des facteurs suppresseurs et activateurs de métastases qui conditionnerait le taux de progression tumorale. » Malgré cette relative complexité, l'augmentation de l'ARNm et des protéines EZH2 dans les cancers de la prostate métastatiques en font un marqueur d'évolutivité et de métastase. Ce nouvel outil, qui se révèle aussi être un marqueur de rechute tumorale, devrait permettre de guider la décision thérapeutique du clinicien.
Sooryanarayana Varambally et coll., « Nature », vol. 419, 10 octobre 2002, pp. 624-629, éditorial pp. 572-573.
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