De notre correspondante
à New York
Les agents antitumoraux dont le mode d'action est d'endommager l'ADN, par exemple les agents alkylants, figurent parmi les chimiothérapies les plus utilisées pour traiter le cancer. Ces agents endommagent l'ADN aussi bien dans les cellules tumorales que dans les cellules normales, et, s'ils sont efficaces contre le cancer, c'est parce qu'ils induisent uniquement dans les cellules tumorales le processus naturel d'autodestruction, c'est-à-dire l'apoptose (ou mort cellulaire programmée). Ainsi, ces agents antitumoraux, même s'ils peuvent entraîner la destruction des cellules normales qui se divisent rapidement, comme les follicules pileux, épargnent la plupart des cellules normales.
Pas d'apoptose dans les cellules normales
Mais pourquoi ces agents endommageant l'ADN ne déclenchent-ils pas l'apoptose dans les cellules normales ? On l'ignore. « La réponse classique est que les cellules tumorales se divisent, mais pas les cellules normales », déclare dans un communiqué le Dr Steven Weintraub, de la Washington University à Saint Louis (Missouri), qui a dirigé ces travaux. « Mais c'est une observation et non une explication. »
Deverman, Weintraub et coll. ont cherché à découvrir le mécanisme de cette sélectivité. Puisque la plupart des cellules tumorales sont déficientes en activité p53, des voies de signal indépendantes de p53 doivent être de première importance dans l'apoptose des cellules tumorales. En conséquence, les chercheurs ont travaillé sur des cellules tumorales déficientes en p53 et se sont concentrés sur l'étude d'une famille de protéines appelée Bcl-2, qui jouent un rôle central dans le processus d'apoptose.
Ils ont d'abord exposé les cellules cancéreuses de divers tissus (os, ovaire, etc.) à un agent anticancéreux, le cisplatine. Lorsqu'ils ont examiné les protéines Bcl-2 dans les cellules détruites par apoptose sous l'effet du cisplatine, ils ont constaté que, dans chaque cas, un des membres de cette famille, la protéine Bcl-xL, est modifié par désamination.
La protéine Bcl-xL modifiée par désamination
On sait que la protéine Bcl-xL inhibe l'apoptose en se liant à une autre protéine bcl-2 apoptotique et en la bloquant. La désamination de Bcl-xL, qui produit des changements dans deux acides aminés, modifie sa forme et l'inactive en empêchant sa fixation à la protéine bcl-2 apoptotique. La désamination de Bcl-xL permet ainsi à l'apoptose de survenir.
Les chercheurs ont ensuite exposé des fibroblastes normaux, humains et de souris, au cisplatine. Dans certaines cellules, ils ont inactivé artificiellement la protéine Bcl-xL. Ils ont alors constaté que, tandis que les cellules normales dotées de protéine Bcl-xL active ne sont pas affectées par le cisplatine, les cellules normales dotées des protéines bcl-xL inactives meurent par apoptose, et se révèlent ainsi soudainement susceptibles au cisplatine. Ainsi, si Bcl-xL est inactivée par désamination, les agents anticancéreux endommageant l'ADN tuent les cellules normales.
« Nos résultats montrent que les cellules normales suppriment d'une manière ou d'une autre le signal qui actionne l'interrupteur (de l'anti-apoptose) et évitent ainsi l'autodestruction », explique le Dr Weintraub. « Ces résultats suggèrent aussi que les cellules tumorales qui suppriment ce même signal pourraient devenir résistantes aux agents anticancéreux. »
Le Dr Weintraub étudie maintenant la nature et la régulation de ce signal.
« Cell » du 4 octobre 2002, p. 51.
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