« La prise en charge de l'obésité est souvent en retard d'une étape, affirme le Pr Arnaud Basdevant, cette affection correspondant à un phénomène qui a tendance à l'auto-aggravation, il faut intervenir tôt dans ce processus. »
De fait, les prises de poids durablement installées sont difficiles à inverser, biologiquement et psychologiquement, et « plus les cycles de tentatives d'amaigrissement ont été nombreux, et plus le patient a des difficultés à perdre son surpoids ».
L'attitude médicale qui prévaut actuellement en matière d'obésité est de s'occuper du problème avéré, point de vue renforcé par les seuils d'intervention thérapeutique à respecter. Or ceux-ci favorisent « le tout ou rien », en particulier chez l'enfant, la prise en charge médicale étant décidée lorsque la prise de poids est importante, durable et qu'elle atteint les seuils de définition de l'IMC (index de masse corporelle).
Les limites des seuils d'intervention
Ces seuils rétrécissent le champ médical aux seuls patients ayant un IMC supérieur aux valeurs normales. Or un patient ayant un IMC supérieur à 30, sans comorbidité, peut ne pas relever d'une prise en charge particulière, tandis qu'on devra instaurer un traitement médical sans tarder chez un autre, présentant un IMC à 27 et un diabète ou des troubles ostéoarticulaires. Selon le Pr Basdevant, « il faut développer une attitude plus souple, correspondant à une voie moyenne, entre deux tendances opposées, située entre la pression pour généraliser les régimes alimentaires à toute la population, et le laisser-faire de façon attentionniste ».
Prise en charge préventive
Il convient de déplacer le traitement de l'obésité vers une prise en charge « préventive », tant chez l'adulte que chez l'enfant. Celle-ci doit tenir compte des facteurs favorisants les prises de poids rapides, et de l'identification des sujets à risque d'obésité. Il faut adapter les habitudes alimentaires, les modes de vie, l'activité physique dans les circonstances à risque.
Trois circonstances sont particulièrement fréquentes, l'arrêt de la consommation de tabac, de l'activité physique et les modifications hormonales (grossesse, ménopause). Viennent ensuite les augmentations pondérales associées à la prise de corticoïdes, de psychotropes et de certains antiallergiques. Très perturbantes également sur le poids sont les modifications du mode de vie, d'ordre affectif (séparation, divorce, changement de domicile..), professionnel - le début de la vie active est souvent associé à une interruption de l'activité sportive. Chez l'enfant, les prises de poids ont pour causes habituelles la sédentarité et la destructuration alimentaire.
Prévisibles, connues, ces circonstances de survenue de prise pondérale doivent inciter le médecin à intervenir précocement par une attitude préventive, en particulier chez les sujets qui ont des antécédents familiaux d'obésité.
En toute hypothèse, une prise de poids rapide (3-4 kilos supplémentaires en quelques mois) justifie des mesures préventives, sans attendre le seuil d'intervention thérapeutique défini. « Il est plus facile de ne pas prendre de poids que d'en perdre. »
D'après un entretien avec le Pr Arnaud Basdevant, hôpital Hotel-Dieu (Paris).
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