De notre correspondante
à New York
Les neuropeptides agissent dans le cerveau comme des messagers neuronaux influençant de nombreuses fonctions du comportement. Leur utilisation thérapeutique ou expérimentale, par voie générale chez l'homme, a été jusqu'ici entravée par leur absence de passage de la barrière hémato-méningée et en raison d'éventuels puissants effets secondaires généraux de type hormonal.
Une équipe dirigée par le Dr Jon Born, neuroendocrinologue à l'université de Lübeck en Allemagne, propose une approche toute simple pour délivrer les neuropeptides directement dans le cerveau sans passer par la circulation sanguine. Cette approche est l'administration nasale.
Ils ont testé cette voie chez 36 volontaires sains (27 hommes et 9 femmes) en prenant 3 neuropeptides - mélanocortine (ou MSH-ACTH), vasopressine et insuline - dont les effets sur les fonctions cérébrales sont bien documentés. Les neuropeptides interviennent, entre autres, dans l'apprentissage, la mémoire et la régulation du poids corporel.
Les chercheurs ont administré, à l'aide d'un nébuliseur nasal, des doses assez fortes de mélanorcortine (5 et 10 mg) à 9 sujets ; d'arginine-vasopressine (40 et 80 UI) à 9 autres ; d'insuline (40 UI) à 8 participants et un placebo aux 10 derniers.
Elévation rapide dans le LCR
La concentration de chaque peptide a été mesurée dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) et dans le sang au cours des 80 minutes suivantes.
L'étude montre que la concentration des 3 peptides s'élève rapidement dans le LCR, dans les 10 minutes qui suivent l'inhalation. Le pic est atteint en 30 minutes pour la mélanocortine et l'insuline et après 80 minutes pour la vasopressine. Cette accumulation dans le LCR ne s'accompagne d'aucune élévation décelable dans le sang pour la mélanocortine et l'insuline, qui ne modifie pas la glycémie.
En revanche, le taux de vasopressine s'élève à la fois dans le LCR et le sang.
Compte tenu de ces résultats, « il est probable que les peptides sont entrés directement dans le LCR, court-circuitant la circulation sanguine », déclarent les chercheurs qui, toutefois, n'excluent pas la possibilité qu'une petite quantité franchisse la barrière hémato-encéphalique.
Comment les peptides passent-ils directement du nez au cerveau ? Le plus plausible est qu'ils voyagent par la route extracellulaire (passant entre les jonctions cellulaires dans l'épithélium olfactif pour diffuser dans l'espace sous-arachnoïdien) plutôt que par voie intraneuronale, pensent les chercheurs.
Si ces résultats ne prouvent pas que l'administration nasale est plus efficace que l'injection I.V. pour délivrer les peptides dans le LCR, ils démontrent que « l'administration nasale peut les délivrer au cerveau sans captation dans la circulation sanguine ». Cela pourrait permettre d'éviter les effets secondaires systémiques indésirables de type hormonal.
Il reste à savoir dans quelle mesure, chez l'homme, les peptides dans le LCR sont captés par les tissus cérébraux. Les études chez l'animal montrent une captation importante jusqu'en des régions profondes du cerveau, comme l'amygdale.
L'équipe essaie de savoir si, en plus de la taille moléculaire, d'autres facteurs, comme le caractère hydrophile ou lipophile, influencent l'accès du peptide au cerveau.
« Le mode nasal de délivrance pourrait être utile dans le traitement des maladies cérébrales, en particulier celles qui mettent en jeu un mauvais fonctionnement du signal neuropeptidique, comme la maladie d'Alzheimer et l'obésité », notent les chercheurs. « Des études en cours, confie au "Quotidien" le Dr Born, examinent l'administration nasale de peptides comme les mélanocortines et l'insuline dans la régulation du poids corporel. » Il ajoute qu'il a bon espoir « que la vasopressine puisse améliorer le sommeil chez les sujets âgés et que, peut-être, l'insuline puisse améliorer les fonctions cognitives chez les sujets âgés. »« Nous avons jusqu'ici montré une voie possible pour administrer les peptides dans le cerveau », souligne-t-il. « Il reste à examiner lesquels des nombreux peptides existants se révéleront avoir des effets thérapeutiques positifs. Aussi, je pense que nos résultats stimuleront une foule d'essais cliniques examinant une large variété de neuropeptides et incluant de nombreux groupes différents de patients ».
« Nature Neuroscience », 6 mai 2002, DOI : 10.1038/nn849.
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