C'est le manque de donneurs et l'absence de procédés de conservation qui limitent actuellement la pratique des greffes d'organes. Une équipe de chirurgiens canadiens, dirigée par le Dr Xiang Wang, a proposé d'appliquer à des tissus prélevés chez l'animal des méthodes de conservation utilisées dans les laboratoires de biologie de la reproduction, pour la conservation de tissus ovariens et d'ovaires entiers, dans un objectif d'autogreffe différée dans le temps.
Depuis quelques années, en effet, ce type de greffe a été pratiqué chez des souris, des brebis et même des femmes (« le Quotidien » des 27 septembre 1999, 22 juin 2000, 12 juillet 2001 et 1er octobre 2001), permettant le rétablissement d'une fonction ovarienne et même des naissances chez l'animal.
Techniques chirurgicales employées chez l'homme
Les chirurgiens ont procédé à des prélèvements en un bloc d'un ovaire, d'une trompe de Fallope et du segment supérieur de l'utérus chez des rats femelles. Ils ont transplanté huit de ces prélèvements chez des rats femelles receveuses isogéniques (l'équivalent animal des jumeaux monozygotes) dans les suites immédiates de l'intervention initiale, afin de constituer un groupe d'animaux contrôles opérés selon les techniques chirurgicales habituellement employées chez l'homme pour les greffes de reins. Sept autres greffons ont été réimplantés après cryopréservation (refroidissement lent jusqu'à une température de - 7 °C, puis stockage dans un liquide nitronégique) et décongélation lente chez des animaux isogéniques.
Quatre semaines après la réimplantation, les investigateurs ont procédé à des prélèvements vaginaux des sécrétions afin d'apprécier la fonctionnalité hormonale des ovaires, et certains rats femelles ont été mises en contact avec des mâles. Des prélèvements sanguins pour dosage de la FSH et du 17 bêta-estradiol ont été effectués lors de l'euthanasie des animaux, dix semaines après l'intervention chirurgicale. L'équipe du Dr Wang a aussi procédé à un examen histologique des ovaires afin d'apprécier la présence de follicules.
Des signes d'ovulation
Tous les animaux implantés avec des tissus non congelés ont présenté des signes hormonaux et histologiques d'ovulation. Le nombre des follicules retrouvés à l'examen anatomopathologique - y compris ceux des follicules de de Graaf -, le poids de l'utérus et les taux sanguins de FSH se sont révélés similaires à ceux d'animaux témoins. Dans le groupe des animaux greffés avec des tissus cryopréservés, des follicules ovariens ont été retrouvés chez 57 % des receveurs, et la présence de follicules en phase lutéique témoigne d'ovulations récentes. Une grossesse évolutive de deux fœtus sains implantés de part et d'autre de l'anastomose utérine a été détectée chez l'un des receveurs. Dans l'ensemble, les taux de TSH sanguins et d'estradiol ainsi que le nombre des follicules étaient moins élevés chez les rats greffés avec du tissu cryopréservé, mais aucun des animaux ne pouvait être considéré comme dans un état de castration. La morphologie utérine et tubaire était, en outre, chez ces animaux, similaire à celle des sujets contrôles.
Pour les auteurs, « ces résultats semblent très encourageants, bien que certains animaux n'aient pas repris une fonction hormonale complètement normale. Cette donnée pourrait être en rapport avec la formation intravasculaire de glace à l'intérieur de certains vaisseaux. C'est déjà ce type de problèmes qui limite la cryopréservation des greffons rénaux. Mais l'amélioration des techniques de cryopréservation par l'ajout de certains additifs, comme les biologistes de la reproduction le proposent actuellement dans le but d'une autoréimplantation de greffons ovariens, chez des femmes ayant subi une chimiothérapie, laisse à penser que dans un proche avenir la cryopréservation sera une option envisageable pour les prélèvements de greffons d'autre type (rein, foie, etc.) ».
« Nature », vol. 415, p. 385, 24 janvier 2002.
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