Vieillissement : un travail chez le nématode implique une hormone stéroïde

Publié le 21/01/2002
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De notre correspondante
à New York

Ces dernières années, l'équipe de Cynthia Kenyon (université de San Francisco) a découvert chez le ver C. elegans plusieurs gènes qui affectent profondément le vieillissement, et a identifié le système reproducteur comme une source des signaux qui contrôlent sa longévité.

Privé des cellules précurseurs germinales (les cellules souches qui se divisent continuellement pendant le développement), le ver nématode vit une fois et demie plus longtemps, avaient-ils constaté. Cette formidable longévité accrue n'est pas, comme on pourrait penser a priori, le résultat d'une stérilité, car si l'on enlève tout le système reproducteur (la lignée germinale et la part somatique des gonades), la longévité du ver reste inchangée.
Ainsi, ont réalisé les chercheurs, des signaux de la lignée germinale raccourcissent la durée de vie, tandis que des signaux des gonades somatiques allongent la durée de vie, avec les deux systèmes capables d'envoyer des signaux égaux, mais opposés.
Arantes-Oliveira, Kenyon et coll. ont maintenant déterminé la nature exacte des cellules germinales qui raccourcissent la durée de vie. Ils ont découvert que ce ne sont ni les spermatozoïdes ou les ovocytes ni leurs précurseurs méiotiques, mais les cellules souches germinales proliférantes, qui se divisent continuellement jusque dans la vie adulte.
Ces cellules souches germinales proliférantes, ainsi qu'un facteur de transcription en aval - la protéine DAF-16 - raccourcissent la durée de vie jusque chez l'adulte, ont-ils découvert. Un facteur de transcription, on le sait, est une protéine qui active la transcription de gènes cibles, en réponse à d'autres signaux.
« Cela indique que le processus de vieillissement reste plastique durant la vie adulte », notent les chercheurs dans « Science ». « A ma connaissance, ajoute dans un communiqué le Dr Arantes-Oliveira, DAF-16 est le premier gène connu qui affecte le vieillissement par une action chez l'adulte. Cela suggère qu'il existe des gènes qui fonctionnent vraiment activement pour réguler le processus du vieillissement. Ce n'est pas le résultat d'un changement pendant le développement. »
Comment ces cellules germinales pourraient affecter le vieillissement ? L'équipe a précédemment identifié une seconde protéine requise pour l'effet des cellules germinales : la protéine DAF-12, un récepteur nucléaire pour une hormone stéroïde qui reste à identifier. Les chercheurs proposent donc que la prolifération des cellules souches germinales raccourcit la durée de vie en diminuant soit la production, soit la réponse à une hormone stéroïde qui, via le récepteur DAF-12, favorise la longévité.
« Nos résultats, concluent les chercheurs, démontrent que les cellules souches germinales président sur deux processus fondamentaux dans le cycle vital de C. elegans  : la reproduction et le vieillissement. » Il existe donc chez le ver nématode un système de contrôle sur la durée de vie, avec un effet des gonades somatiques qui augmente la longévité, et un effet des cellules souches germinales proliférantes qui raccourcit la durée de vie.
Les chercheurs veulent maintenant découvrir précisément comment les cellules souches germinales affectent l'action de l'hormone. Une équipe allemande a récemment identifié une troisième protéine en amont de DAF-12. Cette protéine, DAF-9, un cytochrome p450, pourrait métaboliser une hormone stéroïde qui pourrait être le ligand du récepteur DAF-12 (Gerisch et coll., Cell 2001).
« Nous voulons en savoir plus sur cette hormone stéroïde », explique le Dr Kenyon dans le communiqué. « Quelle est-elle ? Les hommes l'ont-ils ? »

Une cible d'or chez l'homme ?

Etant donné que, chez la mouche drosophile, la privation des cellules précurseurs germinales allonge aussi sa durée de vie, il est possible que ce système se soit conservé au cours de l'évolution. Si l'on trouve que, chez l'homme aussi, une hormone affecte le vieillissement, elle risque fort de devenir une cible d'or pour des médicaments qui prolongent la vie.

« Science » du 18 janvier 2002, p. 502.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7049