De notre correspondante
à New York
Dans quelle mesure l'esprit, la volonté de vivre et le soutien psychosocial peuvent-ils influencer la progression du cancer ? La question divise. Il y a les croyants dans le pouvoir de l'esprit et les non-croyants. Fort heureusement, la question commence a être abordée depuis quelques années par la recherche scientifique.
Il y a douze ans, le Dr Spiegel et son équipe de l'université médicale de Stanford, en Californie, publiaient les résultats étonnants d'une étude conduite chez des femmes atteintes d'un cancer du sein métastasé. Celles qui avaient été randomisées pour bénéficier d'une thérapie de groupe, dite « de soutien et d'expression », vécurent en moyenne dix-huit mois plus longtemps que celles du groupe témoin (« Lancet » 1989). Toutefois, les résultats de l'étude de Spiegel et coll. demandaient à être confirmés, car l'analyse statistique de la survie n'avait pas été prévue.
Un nouveau réseau de soutien social
Ce psychiatre de Stanford poursuit depuis activement cette voie de recherche qu'il décrit dans son dernier livre, coécrit avec le Dr Catherine Classen, « Thérapie de groupe pour le cancer » (publié en 1999). Cette forme de thérapie de groupe, explique le Dr Spiegel dans un éditorial publié cette semaine dans le « NEJM » « met l'accent sur la création d'un nouveau réseau de soutien social, ainsi que sur l'expression des émotions, la confrontation des questions existentielles, l'amélioration des relations avec la famille et les amis, l'amélioration des communications avec les médecins et l'apprentissage des stratégies pour s'adapter ».
Récemment, deux études randomisées évaluant d'autres interventions psychosociales n'ont pas montré d'allongement de la survie chez les femmes porteuses d'un cancer du sein métastasé. Et les résultats de diverses études d'intervention psychosociale chez les patients cancéreux ont été inconsistants.
Thérapie de soutien et d'expression
Goodwin (Mount Sinai Hospital, Toronto) et coll. publient, dans le « NEJM », les résultats d'une large étude multicentrique canadienne conduite « afin de tenter de répliquer les résultats de Spiegel », selon les mots des investigateurs.
Entre 1993 et 1998, ils ont recruté 235 femmes présentant un cancer du sein métastasé et dont la survie était estimée à au moins trois mois. Deux tiers de ces femmes ont été randomisées dans un groupe d'intervention participant chaque semaine à une thérapie de groupe de soutien et d'expression (séance de une heure et demie) et l'autre tiers a servi de groupe témoin. Les thérapeutes ont bénéficié d'un entraînement standardisé et ont été régulièrement supervisés. Toutes les femmes ont reçu par ailleurs des documents éducatifs et tout soin médical ou psychosocial jugé nécessaire. Le premier objectif était de déterminer l'influence sur la survie, le second, de déterminer si l'intervention améliore l'humeur et la douleur (d'après des questionnaires réitérés remplis par les patientes).
L'étude confirme que les patientes soutenues par une thérapie de groupe présentent significativement moins de détresse psychologique et de douleurs que les patientes témoins. Cet effet positif prouve que la thérapie de groupe a été administrée de façon efficace dans l'étude. Le bénéfice s'observe surtout pour celles qui sont initialement le plus en détresse. Toutefois, Goodwin et coll. n'ont pas trouvé de prolongation de survie dans le groupe d'intervention (survies moyennes de 17,9 et 17,6 mois).
Due aux améliorations thérapeutiques
Le Dr Spiegel suggère, dans un éditorial associé, que la différence entre les résultats de son étude et de ce travail pourrait être due aux améliorations thérapeutiques intervenues dans les deux dernières décennies. D'une part, dans le traitement médical du cancer du sein, avec réduction notable de la mortalité depuis la fin des années quatre-vingt-dix, mais aussi dans le soutien psychosocial des patients cancéreux.
« La littérature est maintenant également divisée : 5 des 10 études publiées rapportent que la psychothérapie prolonge la survie, généralement de façon modérée, chez les patients cancéreux », note le Dr Spiegel. Les cinq autres études ne montrent aucun avantage de survie, mais trois d'entre elles, remarque-t-il, n'ont aussi montré aucun bénéfice psychologique.
Deux autres études sont conduites aux Etats-Unis et en Australie, précise-t-il. « En attendant, la thérapie de groupe pour les patients cancéreux peut être prescrite pour son bénéfice psychologique. »
« New England Journal of Medicine », 13 décembre 2001, pp. 1719 et 1176.
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