La sclérose en plaques se caractérise, on le sait, par une inflammation chronique et une destruction sélective de la myéline dans le cerveau et la moelle épinière. Les lésions, dit-on, sont dispersées dans le temps et dans l'espace. Certaines preuves indirectes suggèrent une étiologie auto-immune, qui pourrait vraisemblablement être déclenchée par un facteur de l'environnement chez un sujet génétiquement susceptible à la maladie.
La lésion aiguë de la SEP est caractérisée par une accumulation périveinulaire et par une infiltration tissulaire de lymphocytes T et de macrophages. Il semble que les infiltrats inflammatoires s'attaquent à la gaine de myéline qui entoure les axones.
Une équipe de chercheurs dirigée par le neurologue Steinman (Beckman Center for Molecular Medicine, Stanford, Californie) a eu l'idée de chercher à identifier les gènes qui sont tout particulièrement transcrits dans les lésions cérébrales de SEP des patients, et qui pourraient, par conséquent, jouer un rôle dans la réponse inflammatoire.
Les chercheurs ont séquencé sur une grande échelle deux bibliothèques d'ADN issues de lésions cérébrales de SEP, ainsi qu'une bibliothèque d'ADN de cerveau témoin normal. La comparaison des bibliothèques a permis d'identifier, entre autres observations notables, 54 gènes dont la transcription est au moins 2,5 fois plus élevée dans les lésions de SEP. Les gènes les plus abondamment transcrits sont : l'alpha B-crystalline, la prostaglandine D synthase, la protéine de fixation prostatique, la protéine ribosomale, la L17 et l'ostéopontine.
Stimulation de la prolifération des cellules T
L'équipe s'est intéressée à l'ostéopontine, étant donné son rôle connu dans l'inflammation et dans l'immunité aux maladies infectieuses. L'ostéopontine est une cytokine pro-inflammatoire, désignée aussi gène-1 d'activation précoce des cellules T. Elle costimule la prolifération des cellules T et se classe comme une cytokine cellule T helper-1, puisqu'elle favorise la production d'IFN-gamma et d'IL12, tandis qu'elle diminue l'IL10.
Les chercheurs ont étudié l'expression de l'ostéopontine dans le SNC des souris paralysées par une encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE), un modèle de SEP. Alors qu'elle est exprimée dans la microglie pendant les rechutes et les rémissions de la maladie, elle est exprimée dans les neurones uniquement durant la phase aiguë et les rechutes, et son expression est corrélée à la sévérité de la maladie.
Les chercheurs ont ensuite étudié la souris déficiente en ostéopontine (souris knock-out en OPN), afin d'examiner le rôle de cette cytokine dans la maladie démyélinisante. Une encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) a été déclenchée chez ces souris knock-out et des souris témoins par immunisation avec la glycoprotéine oligodendrocyte de la myéline (MOG).
Des souris protégées contre la maladie expérimentale
Les souris déficientes en ostéopontine développent une maladie beaucoup moins sévère, sont totalement protégées du décès lié à l'EAE et présentent bien plus souvent des rémissions. De plus, elles présentent une réponse proliférative plus faible des cellules T, avec production plus élevée d'IL10, et plus faible d'IFN-gamma et d'IL12.
Ainsi, l'ostéopontine pourrait jouer un rôle crucial dans le développement de la maladie démyélinisante en modulant la réponse immune TH1. « La production d'ostéopontine par les cellules gliales pourrait aboutir à l'attraction des cellules TH1, et sa présence dans les cellules gliales et épendymaires pourrait permettre aux cellules T inflammatoires de pénétrer dans le cerveau », expliquent les chercheurs. « Enfin, nos données suggèrent que les neurones pourraient aussi sécréter cette molécule pro-inflammatoire et participer au processus auto-immun. Eventuellement, la sécrétion neuronale d'ostéopontine pourrait moduler l'inflammation et la démyélinisation et pourrait influencer la sévérité clinique de la maladie. »« L'ostéopontine pourrait devenir une cible potentielle pour bloquer le développement de la SEP progressive », concluent les chercheurs.
« Science » du 23 novembre 2001, p. 1731.
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