Après cinq ans, la commande corticale des mouvements persiste chez les tétraplégiques

Publié le 24/10/2001
Article réservé aux abonnés

Ce qui semblait de la science-fiction, hier, est aujourd'hui, à notre portée. Chez un tétraplégique, envisager de commander des mouvements des membres, par des influx cérébraux transmis grâce à un ordinateur n'est plus une utopie. C'est une étape préliminaire à cet objectif que décrivent des chercheurs américains dans une brève communication publiée par la revue « Nature » : la fonctionnalité de la commande cérébrale à distance du traumatisme médullaire.

Les auteurs expliquent, en préambule, qu'il « n'est pas certain que des aires dé-efferentées de façon chronique soient encore suffisamment excitables pour répondre à des tentatives motrices si le cortex moteur a été réorganisé de façon extensive et, dans ce cas, si cette excitabilité est organisée de façon somatotopique ». En d'autres termes, les représentations sensori-motrices cérébrales ne subissent-elles pas d'altération ? Leur persistance est le primum movens indispensable au projet d'aide aux tétraplégiques.

Lésion C5-C6 survenue de 1 à 5 ans avant l'étude

Cinq sujets victimes de lésions de la moelle cervicale, de 28,4 ans en moyenne, ont été enrôlés par les chercheurs. L'atteinte était post-traumatique, au niveau C5-C6, et survenue entre 1 et 5 ans avant l'étude. Cinq sujets en parfaite santé ont servi de contrôle. Tous ont subi un examen d'IRM fonctionnelle destiné à apprécier l'activité cérébrale tandis qu'ils tentaient d'exécuter des mouvements des membres. Au cours de l'examen, il leur était demandé, ou au moins d'essayer, de remuer les mains (adduction-abduction des doigts) ; de fléchir les coudes, les orteils ; d'étendre le genou gauche et de faire la moue. Les expérimentateurs ont insisté sur le fait qu'il fallait vraiment tenter de faire le mouvement et non pas se l'imaginer. L'aptitude à exécuter ces diverses instructions était contrôlée par une électromyographie de surface.
Les données de l'imagerie fonctionnelle montrent effectivement une activation cérébrale. Les mouvements de mains activent les deux bords de la scissure de Rolando controlatérale, avec une extension aux sillons pré- et post-rolandiques. Les tentatives de flexion des orteils et d'extension du genou déclenchent une activation (plus marquée en controlatéral) de la partie médiane de la scissure interhémisphérique. Les coudes engendrent des réactions cérébrales surpassant celles déclenchées par les mains. Quant aux lèvres, elles correspondent à la zone la plus latérale du cortex sensori-moteur. Une activation organisée a été également relevée dans la partie antérieure du cervelet et dans une zone s'étendant, sur les bords de la scissure de Sylvius, de la scissure de Rolando à l'insula.

En adéquation avec les cartes motrices corticales

Ces multiples résultats de l'IRM ont été comparés aux données des patients sains. Des activations identiques ont été retrouvées chez ces derniers. L'ensemble est en adéquation avec les données d'études antérieures dressant des cartes motrices corticales et cérébelleuses.
Les chercheurs considèrent que l'activation volontaire des représentations sensori-motrices corticales chez des sujets atteints de paralysie, se produit avec seulement une réorganisation minimale de la somatotopie. Tout au moins jusqu'à cinq ans après l'accident. Les représentations motrices semblent répondre aux intentions de sujets, un des principaux préalables au développement d'une interface cerveau ordinateur. il devrait donc être possible d'accéder à des signaux de contrôle volontaires en utilisant une neuroprothèse corticale. « Des progrès rapides dans la technologie de ces interfaces pourrait prochainement rendre des neuroprothèses implantables capables de recréer une activité motrice volontaire complexe en temps réel chez des paralysés. »

« Nature », vol. 413, 25 octobre 2001, p. 793.

Dr Guy BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6996