Créé en 1990 par l'AFM avec les dons du Téléthon, le Généthon a déjà une histoire, dans laquelle on peut distinguer trois phases. Au début des années quatre-vingt-dix, c'est « Généthon I », qui, sous l'impulsion de Daniel Cohen, lance et mène à bien la cartographie du génome humain. Quelques années plus tard, le Généthon, devenu « Généthon II », se réoriente vers des activités de génotypage et de séquençage, dirigées par Jean Weissenbach et Marc Lathrop. En 1997, ces activités étant reprises par l'Etat dans le cadre du génopôle d'Evry, « Généthon III » lance « la Grande Tentative », sous la direction scientifique d'Olivier Danos.
Le programme, prévu sur cinq ans, vise, cette fois, à faire aboutir la thérapie génique et à reproduire, partout où ce sera possible, le succès obtenu par l'équipe d'Alain Fischer contre un déficit immunitaire congénital de l'enfant (SCID-X). Pour ce faire, le premier goulot d'étranglement à franchir est la production de lots de vecteurs viraux en qualité et quantité suffisantes pour mener des essais précliniques et cliniques. Le Généthon a donc mis sur place un réseau, le GVPN, associant aujourd'hui le centre d'Evry, l'Institut de myologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), le laboratoire de thérapie génique du CHU de Nantes (Dr Philippe Moullier), le Téléthon italien, la « Harvard Gene Therapy Initiative », à Boston, la société belge Henogen. L'objectif du réseau est de produire et de mettre à la disposition des équipes qui en font la demande les lots de vecteurs viraux nécessaires aux essais. On note que les lots sont actuellement fournis gratuitement aux équipes académiques et à prix coûtant aux sociétés commerciales.
100 % des besoins de l'INSERM
Depuis 1997, 2 309 lots ont ainsi été délivrés à plus de 300 équipes, françaises pour la plupart, mais aussi étrangères. Comme l'indique Mauro Mezzina, responsable du GVPN au Généthon, « la réputation du réseau s'est faite sans publicité, par le bouche-à-oreille, qui, il est vrai, ne fonctionne pas trop mal dans la communauté scientifique ». Résultat, le GVPN couvre aujourd'hui 100 % des besoins de l'INSERM en matière de vecteurs viraux.
Concrètement, les demandes sont examinées par un comité scientifique externe au Généthon qui gère les priorités. Les lots sont ensuite produits et contrôlés au Généthon même, dans de nouvelles installations, s'il s'agit de lots précliniques, et en Belgique, par Henogen, s'il s'agit de lots destinés à des essais cliniques. Naturellement, les résultats de ces essais sont retournés au GVPN et examinés de près.
Passer à la catégorie du médicament
« Ces quatre dernières années, nous avons procédé à des changements d'équipe, à la mise en place de collaborations, à la construction d'un plateau technique dédié à la biologie cellulaire et à la production de vecteurs », indique Olivier Danos. « Aujourd'hui, l'heure est à un premier bilan. Le réseau est en place : comment devra-t-on s'en servir dans les cinq ans à venir ? »
Un certain nombre d'essais sont en cours ou en projet, dans diverses indications (voir encadré). Mais la réflexion est déjà ouverte sur l'après. « Le problème n'est pas seulement de faire fonctionner la thérapie génique », bientôt, espère-t-on, il sera aussi de « qualifier les produits comme médicament ». Et en la matière, tout reste à faire. Quel est au juste la définition du produit pharmaceutique ? Quels sont les critères de pureté, de sûreté ? Qui assurera concrètement la production, la commercialisation ?
Dans un premier temps, l'objectif est de « répandre un savoir-faire à travers les pays européens » tout en évitant de tomber dans le piège d'un rôle de superviseur, qui n'est pas la vocation du GVPN, tournée vers le conseil et l'expertise, et qui serait d'ailleurs sans doute peu profitable à la recherche elle-même. Mais dans un second temps, des questions de production et d'enregistrement se poseront. Le Généthon souhaite donc développer avec des industriels et les agences d'enregistrement une « plate-forme », où les questions pratiques pourront au moins commencer à être discutées.
Un secteur associatif
Pour Eric Molinié, président de l'AFM, le Généthon fait actuellement le travail d'une start-up, « mais sans la pression des actionnaires ». Pour la suite, « toutes les options restent ouvertes ». « Il est possible que l'Etat reprenne certaines de nos activités. Il est également possible que la production soit reprise par un industriel, en externe. Enfin, il est envisageable que nous transformions nous-mêmes cette partie de nos activités en industrie ». En toute hypothèse, cependant, un secteur associatif devrait demeurer « pour continuer à jouer son rôle dans les maladies rares ».
On réfléchit donc déjà à ce que sera « Généthon IV ». Il est évidemment difficile de savoir si l'on n'est pas en train de vendre la peau de l'ours prématurément. Apparemment, toutefois, les dirigeants de l'AFM, du Généthon et du GVPN sont confiants. A propos de l'essai en cours dans la myopathie de Duchenne, Eric Molinié a d'ailleurs indiqué que les deux tiers des patients prévus avaient été traités, et que, s'agissant d'un essai séquentiel, « si un problème s'était posé, on ne serait certainement pas arrivé jusque-là ».
Deux essais prévus
Deux nouveaux essais cliniques de thérapie génique sont déjà programmés, auxquels collabore le Généthon.
Il s'agit en premier lieu d'un essai qui débutera au printemps 2002 à l'hôpital Necker (Paris), et qui sera mené par l'équipe du Pr Fischer. Avec la collaboration du généthon et du GVPN, qui fait actuellement produire en Belgique, par la société Henogen, les lots de vecteurs rétroviraux nécessaires, l'équipe de Necker tentera de reproduire dans un autre déficit immunitaire de l'enfant le succès déjà obtenu contre le le déficit immunitaire combiné lié à l'X (SCID-X).
En second lieu, un essai est prévu pour 2003 contre la dystrophie des ceintures, qui sera conduit en collaboration avec l'Institut de myologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), la Harvard Medical School de Boston et l'université de Pennsylvanie. Le vecteur utilisé sera le virus adéno-associé (AAV), très étudié au Généthon, et dont le GVPN doit optimiser la production selon les « bonnes pratiques de fabrication » permettant les essais cliniques.
Le Généthon travaille en outre à la préparation d'essais contre l'adrénoleucodystrophie (en collaboration avec les hôpitaux parisiens Saint-Vincent-de-Paul et Necker), l'hypercholestérolémie familiale (en collaboration avec l'INSERM et l'hôpital Antoine-Béclère) et l'épidermolyse bulleuse (en collaboration avec le CHU de Nice).
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