Tout est dans la présentation de l'information. Une viande de buf, étiquetée maigre à 75 %, est perçue comme plus saine que la même viande vendue sous l'appellation 25 % de matière grasse. C'est en quelque sorte sur le même principe de raisonnement que des médecins canadiens, de Toronto, ont analysé l'observance thérapeutique de femmes enceintes. Le suivi est meilleur lorsqu'un médicament est associé aux chances de mettre au monde un enfant sain. Le traitement restera plus souvent au fond d'un tiroir s'il est associé à un risque malformatif.
Pour mieux comprendre cette étude, il faut savoir qu'elle a été menée par les membres du programme « Motherisk » (risque maternel), dont l'objectif est le conseil téléphonique tant aux patients qu'aux médecins. J. D. Jasper et coll. étaient convaincus que présenter une information validée de façon compréhensible et convaincante est de première importance. Des renseignements mal présentés peuvent être lourds de conséquences, tant du point de vue maternel que pour l'enfant à venir (risque de malformations).
Les Canadiens sont donc partis d'interlocutrices, à leur standard, s'enquérant des risques d'antiallergiques (les médecins avaient la certitude de l'absence de tératogénicité de la molécule). Si 125 femmes ont été enrôlées, seulement 105 d'entre elles ont pu être suivies. L'analyse a donc porté sur ce groupe.
Cinquante femmes ont reçu comme réponse négative : « A chaque grossesse, il y a 1 à 3 % de risques, pour une femme, de mettre au monde un enfant malformé. Ce médicament n'est pas connu pour changer cela. » Les 55 autres ont eu une réponse positive : « A chaque grossesse, il y a 97 à 99 % de chances, pour une femme, de mettre au monde un enfant sans malformation. Ce médicament n'est pas connu pour changer cela. »
Un à quatre jours plus tard, les participantes ont été rappelées. Il leur a été demandé d'évaluer leur risque d'enfant anormal à la suite du traitement. Evaluation faite sur deux échelles. L'une de 1 (risque très bas) à 5 (risque majeur), l'autre de 0 (aucun risque) à 100 (risque majeur). Enfin, il leur a été demandé si elles prenaient ou non le traitement en question.
Les deux échelles ont donné à peu près les mêmes informations sur la perception du risque malformatif. Les deux groupes de femmes l'ont perçu comme faible. Toutefois, les femmes ayant reçu une information positive ont minoré le risque par rapport aux autres femmes. La différence n'était significative que dans l'échelle 0-100.
« Non » et « probablement pas »
Quant à la prise du médicament, l'analyse des réponses est subtile. Globalement, entre les deux groupes, le pourcentage d'observance est similaire : 33 « non » et « probablement pas » dans le groupe à information positive contre 37 (différence non significative). En ce qui concerne les « oui », les auteurs en relèvent deux fois plus, après une information positive (34 % contre 20 %, non significatif).
« Nos résultats sont en accord avec ceux de travaux antérieurs montrant que les manipulations de la présentation peuvent altérer la perception aussi bien que la décision. » La présentation positive minore la perception du risque et favorise la prise du médicament.
Dans leur conclusion, les auteurs perçoivent les limites de leur étude. « Des programmes tels que Motherisk doivent-ils user d'une présentation positive avec des médicaments sûrs ? Les professionnels de santé devraient-ils prévoir les décisions de leur patients et tenter de manipuler leurs perceptions ? Peut-être les travailleurs de santé devraient-il présenter l'information de de façon neutre... Le choix de la formulation appropriée, cependant, n'implique pas la science en tant que telle, mais plutôt les domaines de la loi, de l'éthique de la politique et, à l'évidence, nécessite une étude plus vaste et plus formelle. »
« Lancet », vol. 358, 13 octobre 2001, p. 1237-1238.
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