Naître et grandir dans une ferme diminue le risque de développement de maladies allergiques chez l'enfant. Le fait est connu. Une bonne part de cet effet est attribuée au contact régulier avec les animaux de la ferme. Il existe une concentration élevée d'endotoxine (lipopolysaccharide dérivé des parois cellulaires des germes Gram négatif) dans la poussière provenant des poulaillers.
Les endotoxines, comme d'autres composés bactériens, régulent certaines productions du système immunitaire, comme celle d'interleukine 12 et d'interféron gamma, facteurs qui vont à l'encontre de l'action des lymphocytes T helpers 2, et empêchent la sensibilisation allergique. Un type de réponse à dominante Th1-like ou Th2-like pour un antigène spécifique est déterminé par le premier contact avec cet antigène. Pendant les premières années de la vie, la polarisation Th2 du système immunitaire fœtal est progressivement remplacée par une dominance Th1. Ce qui peut aider à comprendre pourquoi la charge microbienne, pendant la première année de vie, pourrait être cruciale dans le développement d'une réponse immunitaire non atopique.
Le travail collaboratif de praticiens allemands, suisses et autrichiens a consisté à savoir si le contact avec l'environnement de la ferme confère une protection contre l'asthme, le rhume des foins et la sensibilisation allergique en général.
Enfants des fermes contre enfants ruraux
Ils ont réalisé une étude transversale dans des régions rurales de ces trois contrées. Les parents de 2 618 enfants de 6 à 13 ans ont répondu à un questionnaire. Des enfants de fermiers ont été comparés à un échantillon d'enfants ruraux mais ne vivant pas à la ferme. Des prélèvements sanguins ont été réalisés, à la recherche d'IgE spécifiques de différents allergènes : pollens de graminées, pollen de bouleau, Dermatophagoïdes pteronyssimus, allergènes de chat et de chien, Cladosporium herbatum et allergènes alimentaires (blanc d'œuf, protéines du lait, cabillaud, farine de blé, arachide et soja).
Des données complètes ont été recueillies chez 812 enfants : 319 fermiers et 493 non-fermiers.
« Nos résultats s'accordent à trouver qu'il existe une moindre fréquence d'asthme, de rhume des foins et de sensibilisation allergique chez les enfants élevés à la ferme », indiquent les auteurs. Une exposition aux éléments caractéristiques de la ferme pendant la première année de vie, d'une part, et jusqu'à l'âge de 5 ans, d'autre part, est cruciale pour cet effet protecteur.
Ils trouvent en effet que l'exposition des enfants de moins de 1 an, comparativement à ceux âgés de 1 à 5 ans, aux étables et à la consommation du lait de ferme est associée à une fréquence significativement moindre d'asthme (1 % versus 11 %), de rhume des foins (3 % versus 13 %) et d'atopie (12 % versus 29 %).
La protection contre le développement de l'asthme est indépendante de l'effet constaté sur l'atopie.
Une exposition continue aux étables jusqu'à l'âge de 5 ans est associée à une fréquence inférieure d'asthme (0,8 %), de rhume des foins (0,8 %) et d'atopie (8,2 %).
Les auteurs n'expliquant pas précisément par quels mécanismes le contact avec l'étable et le lait fermier donne cet effet. Pour eux, ils doivent probablement représenter des marqueurs de substitution témoignant de l'environnement microbien. En particulier, des endotoxines ou des composants de la paroi bactérienne, ou bien encore de l'ADN bactérien (riche en dinucléotides qui régulent la réponse immune innée).
Faire monter la réponse immunitaire
Ces facteurs peuvent activer les cellules présentatrices de l'antigène et faire monter la réponse immunitaire, fondée sur les Th1 par la production de TNF alpha, d'interféron gamma, d'IL12 et d'IL18. Les individus qui ont développé une réponse Th1 pour un allergène ont une moindre propension à développer des réactions allergiques.
Les enfants de la ferme sont exposés à des concentrations élevées d'endotoxines dans les étables et les poulaillers.
Le lait de ferme, qui est consommé cru en règle générale, contient davantage de bactéries Gram négatif, donc de polysaccharides, que le lait pasteurisé. Il peut s'ensuivre des modifications favorables de la flore intestinale.
« La protection conférée par la ferme contre le rhume des foins et la sensibilisation allergique en général est plus importante que pour l'asthme. Toutefois, dans notre étude, le temps passé dans les étables, pendant la première année de vie, protège contre l'asthme indépendamment de la sensibilisation allergique », indiquent les auteurs.
Comme le facteur familial est important en termes de risque atopique ou allergique en général, un ajustement approprié a été réalisé, ce qui n'a pas affecté les résultats. On n'a pas observé de différence d'asthme ou de rhume des foins entre des femmes enceintes qui participent aux activités de la ferme et celles qui n'y participent pas.
Joseph Rieder et coll., « The Lancet », vol. 358, 6 octobre 2001, pp. 1129-1133.
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