« L E cas de Lans Amstrong, cancer du testicule avec métastases thoraciques et cérébrales, a contribué à médiatiser les progrès remarquables qui ont été accomplis dans le traitement du cancer du testicule, explique Bernard-Henri Court . Cette médiatisation est justifiée car c'est la localisation urologique qui a connu le plus de progrès en quarante ans. Aujourd'hui, un patient présentant un cancer du testicule avec des métastases thoraciques, cérébrales, peut guérir sans séquelles. C'est le triomphe de la cancérologie, de la chirurgie et de la chimiothérapie », affirme le Dr Bernard-Henri Court.
Il y a trente ans, seulement 20 % des malades survivaient car les diagnostics étaient trop tardifs, les patients se présentaient avec des tumeurs testiculaires dont la taille dépassait l'imagination, avec des envahissements locorégionaux catastrophiques. « Aujourd'hui, ces cas historiques sont très rares. Grâce au changement de mentalité (ce sujet n'est plus tabou), aux progrès de l'imagerie, les diagnostics sont faits à des stades beaucoup plus précoces dans la grande majorité des cas (60 % contre 10 % autrefois), ce sont des tumeurs localisées sans extension au pédicule spermatique », explique le spécialiste. Ainsi, sur 100 malades, 98 vont guérir et deux vont mourir pour des stades avancés métastatiques, le plus souvent.
Ces tumeurs embryonnaires séminomateuses ou non séminomateuses sont découvertes lors de l'autopalpation. A l'examen clinique, on retrouve, dans le testicule coiffé de l'épididyme, un nodule indolore induisant une légère gêne. Ce nodule est visualisé à l'examen échographique, examen de choix d'aide au diagnostic qui permet de détecter des tumeurs infracliniques. « Ces tumeurs se développent à partir de la spermatogonie, la cellule spermatocytaire va dégénérer et va donner des contingents tissulaires très différents les uns des autres sécrétant des substances telles que la bêta-HCG, l'alfa-ftoprotéine facilement dosables dans le sang. Des taux sanguins élevés de ces marqueurs biologiques renforcent le diagnostic », souligne le Dr Court.
Le diagnostic anatomopathologique est fait au moment de l'intervention chirurgicale par biopsie extemporanée ; la biopsie percutanée trans-scrotale est déconseillée car elle est dangereuse ; elle peut, en effet, s'accompagner d'un risque de dissémination. En fonction du résultat de l'anatomopathologie, on proposera au patient des traitements complémentaires sans oublier de l'adresser préalablement à la banque de sperme afin de préserver la fertilité ultérieure.
Mais dans la majorité des cas, aujourd'hui, la chirurgie à visée diagnostic et thérapeutique suffit à guérir le patient si elle est proposée suffisamment tôt, entraînant la normalisation des taux sanguins des marqueurs biologiques.
Une chirurgie locale large suffit le plus souvent à guérir les patients
« Il s'agit d'effectuer une incision inguinale, de clamper le pédicule spermatique, d'amener le testicule de la bourse vers la région inguinale, d'extérioriser le testicule ; ensuite, on ouvre la vaginale du testicule qui a perdu son aspect blanc nacré et qui présente des varicosités, vascularisation typique d'une tumeur testiculaire ; la confirmation du diagnostic par l'anatomopathologiste conduit à l'ablation du testicule en ligaturant le pédicule spermatique et déférentiel à l'orifice profond du canal inguinal », précise le chirurgien.
Les progrès de l'imagerie médicale, le scanner, la tomodensitométrie, le PET-scan (imagerie fonctionnelle avec scintigraphie permettant de déceler des métastases infracliniques) ont considérablement modifié depuis vingt-cinq ans non seulement le diagnostic, mais aussi la surveillance des cancers du testicule. Les métastases diffusant par voie lymphatique, le bilan d'extension comprend un scanner abdomino-pelvien à la recherche de masses ganglionnaires lombo-aortiques et, thoracique, à la recherche de métastases pulmonaires, on recherchera aussi des ganglions sus-claviculaires (ganglion de Troisier).
Des progrès dans l'élaboration des protocoles thérapeutiques
La surveillance est stricte et le bilan d'extension est effectué tous les trois mois, puis tous les six mois, puis tous les ans pendant cinq ans, puis tous les deux ans pendant dix à quinze ans ; la rémission est quasi certaine au bout de dix ans. « Il est rare d'observer des rechutes après dix années de suivi, mais il peut exister des formes génétiques bilatérales, ce qui explique la surveillance du testicule controlatéral », explique le Dr Court.
Les malades qui présentent un envahissement locorégional doivent avoir un traitement chimiothérapeutique complémentaire, parfois complété d'une chirurgie pour l'ablation des masses ganglionnaires résiduelles ; cette chirurgie est réalisée par des équipes chirurgicales bien entraînées. Dans 99 % des cas, les métastases sont traitées de façon spectaculaire par la chimiothérapie, quelle que soit l'histologie de départ. « Autrefois, la chimiothérapie durait de un à deux ans, avec des protocoles très lourds, rappelle le Dr Court. Aujourd'hui, de grands progrès dans l'élaboration des protocoles de chimiothérapie ont été effectués. C'est le triomphe du cisplatine, de la bléomycine, de l'étoposide. Les équipes se sont appliquées à élaborer le traitement minimal nécessaire indispensable, c'est-à-dire celui ayant le plus d'efficacité avec le moins d'inconvénients. Les protocoles incluent de une à quatre cures, à deux voire trois mois d'intervalle en fonction de la tolérance. Cette chimiothérapie fait disparaître les ganglions métastatiques. »
L'association de la chirurgie et de la chimiothérapie a permis de sauver des patients qui présentaient des stades désespérés exceptionnels. « Un patient a été opéré récemment d'un bourgeon tumoral qui remontait par la veine cave dans l'oreillette droite, dans la tricuspide jusque dans l'artère pulmonaire, masse qui envahissait également le duodénum. Ce malade a été opéré sous CEC (circulation extracorporelle) pendant douze heures par des équipes expertes dans ce domaine. Grâce à cette chirurgie majeure à haut risque pratiqué par des chirurgiens entraînés, le malade est guéri.A côté de ces cas extrêmes, il y a des cas beaucoup plus simples, opérés par clioscopie. »
Autrefois, la radiothérapie à visée prophylactique était réalisée sur les séminomes, tumeurs très radiosensibles ; cette tendance est aujourd'hui peu à peu abandonnée au profit de la chimiothérapie qui donne d'excellents résultats.
La chimiothérapie intensive avec greffe de moelle après mise en aplasie médullaire appartient à des protocoles très lourds en cours d'évaluation afin de mesurer le rapport bénéfice/risque chez des patients au pronostic très sombres (de 1 à 2 % des cancers testiculaires).
A l'IGR, « toute décision thérapeutique dans l'élaboration de protocoles est prise de façon collégiale par un comité réunissant un chirurgien urologue, un chimiothérapeute (Dr Théodore Christine) et un radiothérapeute (Dr Wibault Pierre), dans l'intérêt du patient. C'est une des particularités de l'institut Gustave-Roussy et c'est aussi le prix de la réussite pour sauver des malades », conclut le Dr Bernard-Henri Court.
*Chirurgien en urologie, chef de service à l'institut
Gustave-Roussy (Villejuif) et à la clinique Saint-Jean-de-Dieu (Paris).
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