L A douleur fait souvent partie du tableau de fin de vie en cas de maladie grave. Ce symptôme est considéré par beaucoup comme le reflet d'une médiocre qualité des soins délivrés au stade terminal. Pourtant, les données validées par des études manquent sur le sujet. C'est cette mission que se sont assignée Stefan C. Weiss et coll. (Bethesda, Etats-Unis) : fournir de nouvelles données sur la douleur aux stades ultimes de la vie.
Leurs conclusions sont un peu surprenantes. Alors que la moitié des 988 sujets enrôlés évoquent des douleurs modérées à sévères, seulement 30 % d'entre eux réclament un renforcement thérapeutique de leur généraliste. Et si le nombre de patients totalement algiques reste encore trop élevé, peut-être faut-il nuancer ce sentiment. En effet, la majorité des patients souhaite endurer la douleur (62 %) et 9 % veulent même que leur traitement soit réduit.
Le travail, publié dans « The Lancet », a été mené dans six sites aux Etats-Unis et a regroupé un millier de patients (988). Un interrogatoire simple leur a été proposé : qui a traité vos douleurs au cours des quatre dernières semaines (généraliste, spécialiste de la douleur ou les deux) ? Désirez-vous une majoration de vos doses d'antalgiques ? Sinon, pourquoi ?
Des explications sont proposées par les auteurs pour tenter de comprendre le refus de complément thérapeutique. Environ un tiers des patients en stade terminal se justifie, en premier lieu, par une crainte des effets secondaires des opiacés, tels que confusion mentale ou constipation. Il semble que ces sujets, dans la balance qu'ils font entre antalgie et effets adverses, préfèrent supporter la première pour éviter les seconds. « Les médecins doivent être formés tant à l'évaluation de la douleur et à sa prise en charge qu'à composer avec les effets secondaires des opiacés », commentent les auteurs. En second lieu, rejoignant les conclusions de travaux antérieurs, l'étude met en avant, chez un tiers des patients, la peur de la dépendance. « Les médecins doivent transmettre plus efficacement que l'addiction aux opiacés en traitement de la douleur est un mythe et doivent lever cette croyance, barrière à une antalgie efficace. »
Un facteur ethnique
Une conclusion, peut-être inattendue, ressort du travail américain : le facteur ethnique. Les sujets issus de minorités souffrent davantage et reçoivent moins d'antalgiques que les Blancs. Certes, il existe des barrières d'ordre social, mais, plus souvent que dans la population favorisée, ces patients refusent un surcroît d'antalgie par peur de la dépendance. En outre, leur accès aux algologues semble plus limité. Une spécialité, au passage, dont les consultations apparaissent pourtant plus accessibles et qui ne concerne pas que les cancéreux.
Dernier constat, les pourcentages similaires de sujets atteints d'un cancer et de ceux porteurs d'une autre affection récusent l'idée que la douleur est uniquement le fait des cancers. Elle est rencontrée aussi dans les affections cardiaques, les insuffisances respiratoires chroniques. « Dès lors, les cardiologues, pneumologues et autres non-oncologues doivent être formés à la prise en charge de la douleur », soulignent les auteurs.
Toutefois, ce travail se heurte au moins à deux limites. Les cancers y représentent une part trop importante des décès (plus de la moitié, contre un quart dans la population générale) et il se limite aux quatre semaines précédant le questionnaire.
« The Lancet », vol. 357, 28 avril 2001, pp. 1311-1315.
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