L A dyslexie est assez répandue, puisque entre 2 et 8 % des enfants à l'école primaire présentent des difficultés dans l'apprentissage de la lecture.
Elle est de plus en plus reconnue comme étant un trouble du développement neurologique d'origine génétique. Toutefois, cette notion est encore contestée, certains considèrant que la dyslexie n'est pas une entité diagnostique spécifique, car sa nature et sa fréquence varient selon les cultures.
La fréquence de la dyslexie estimée par les tests de lecture (reconnaissance des mots en fonction du QI) varie en effet en fonction de la langue du pays et semble liée à la difficulté de l'orthographe.
Une étude sur des enfants de 10 ans a, par exemple, montré une prévalence de dyslexiques deux fois moins importante en Italie - où l'orthographe est « transparente » - qu'aux Etats-Unis, où elle est compliquée.
Les nombreuses façons d'écrire le son « o » en français
L'anglais et le français sont deux langues à l'orthographe dites irrégulière ; par exemple, en anglais, on trouve 1 120 façons de représenter 40 sons (ou phonèmes) grâce à l'utilisation de différentes combinaisons de lettres (ou graphèmes). En France, plus de 190 graphèmes différents peuvent être utilisés pour écrire les 35 phonèmes. Ainsi, par exemple, le son « o » peut être écrit de nombreuses façons : « o, ot, ots, os, ocs, au, aux, aud, auds, eau, eaux, ho ». En italien, une langue à l'orthographe « transparente », il n'existe presque pas d'ambiguïté, puisque 33 graphèmes suffisent pour représenter 25 phonèmes. Cela signifie que, dans la plupart des cas, une syllabe correspond à un même et unique son, et réciproquement, ce qui rend la lecture plus facile et l'écriture plus logique.
Des étudiants anglais, français et italiens
Une équipe internationale dirigée par le Pr Eraldo Paulesu (université de Biocca, à Milan) a comparé, pour la première fois, des dyslexiques parlant des langues différentes.
Les chercheurs ont recruté des étudiants universitaires qui se savaient dyslexiques en France (n = 18) et en Angleterre (n = 18), et ont dépisté des étudiants universitaires dyslexiques en Italie (n = 18) ; ils ont aussi enrôlé des étudiants témoins non dyslexiques dans chaque pays.
Bien que les dyslexiques italiens réussissent mieux les tests de lecture que leurs homologues français et anglais, en faisant moins d'erreurs, tous les dyslexiques, qu'ils soient italiens, français ou anglais, sont également déficitaires par rapport à leurs témoins dans les performances aux épreuves de lecture et de phonétique ; en particulier, ils sont tous également déficitaires dans la mémoire phonétique à court terme.
Le flux sanguin cérébral
Les chercheurs ont ensuite utilisé la tomographie par émission de positrons pour examiner l'augmentation régionale du flux sanguin cérébral, et donc l'activité régionale cérébrale, chez les étudiants soumis à des épreuves de lecture de mots. Les résultats indiquent qu'il existe chez tous les dyslexiques des trois pays la même réduction d'activité dans une région de l'hémisphère gauche, en particulier dans le cortex temporal gauche et dans la circonvolution occipitale moyenne gauche.
« Nos résultats sont clairs, concluent les chercheurs. Ils montrent que la dyslexie a une base universelle dans le cerveau et peut être caractérisée par le même déficit neurocognitif. Un déficit du traitement phonétique est un problème universel dans la dyslexie et cause des problèmes de lecture et d'écriture dans les deux orthographes, la transparente et l'irrégulière. Toutefois, dans les langues à l'orthographe transparente, comme l'italien, l'impact est moindre et la dyslexie existe de façon plus cachée. Par contraste, les orthographes irrégulières comme celles du français ou de l'anglais pourraient aggraver les troubles de la lecture et de l'écriture chez les sujets qui sont affectés d'une dyslexie par ailleurs modérée. »
« Science » du 16 mars 2001, p. 2165.
(1) Parmi les chercheurs : Jean-François Démonet (unité INSERM 455, hôpital Purpan, Toulouse).
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