Diarrhée profuse
Mohamed, 2 ans, est suivi régulièrement en PMI. Ses vaccins sont à jour. Il n'a aucun problème de santé. Les parents sont d'origine marocaine ; il est né en France et n'a jamais voyagé. Pour l'examen de ses 2 ans, il est vu en PMI le 8 janvier, il pèse 12,340 kg. Le lendemain, il présente des vomissements et de la fièvre. Les parents consultent ; on lui prescrit de la dompéridone, il n'est pas pesé. Le jeudi 10 janvier, il a une diarrhée profuse ; la mère donne de l'eau à volonté. Il est couché à 22 heures, à 23 heures la mère entend des bruits. En fait, il s'agit de gasps. Il décède aux urgences de l'hôpital le 11 janvier à 0 h 10. En post mortem, il pèse 10,800 kg, il est déshydraté et a perdu 12,5 % du poids de son corps.
Prise en charge des diarrhées aiguës
La gastro-entérite reste une pathologie très fréquente, évoluant par épidémie plus ou moins importante. Sa fréquence et sa banalité habituelles peuvent réduire notre vigilance. Pourtant, la déshydratation, complication principale, est responsable d'une quarantaine de décès chaque année en France. En 2008, cette pathologie, d'apparence si simple, tue encore les nourrissons.
Il faut mettre en second plan tout traitement diététique ou pharmaceutique, oublier les anciennes règles. Le seul traitement de la gastro-entérite avérée est la réhydratation orale. Seul ce traitement bien conduit permettrait, le plus souvent, de sauver ces enfants. Ainsi, l'histoire de Mohamed aurait été différente...
La réhydratation par les solutés de réhydratation orale (SRO) est un des progrès médicaux important du XXe siècle. L'efficacité du produit est fondée sur le fait que l'intestin d'un patient diarrhéique conserve son pouvoir d'absorption du sodium.
L'eau suit passivement les mouvements du sodium, elle est donc absorbée en sa présence. L'eau seule n'est pas correctement absorbée et en cas de diarrhée sévère, peut aboutir à la mort comme pour Mohamed. Ainsi, une information doit être donnée aux parents pour connaître l'intérêt du SRO. Dès les premières consultations, une prescription de SRO peut être faite comme on le fait facilement pour du paracétamol comme «trousse d'urgence». Le SRO ne soigne pas la diarrhée, il permet de compenser les pertes hydriques. L'enfant peut le refuser initialement car il n'a pas encore soif (signe de déshydratation) ; si les symptômes s'aggravent, il acceptera le plus souvent le soluté malgré son goût salé. Il faut expliquer cela aux parents.
La composition des SROs est bien établie ; sept SRO sont actuellement commercialisés en France, sensiblement équivalents : Adiaril, Alhydrate, Hydrigoz, Fanolyte, GES 45, Picolite, Viatol. Ils sont remboursés depuis 2003. Tous les SRO se reconstituent à raison d'un sachet pour 200 ml d'eau. Pour éviter les vomissements, il faut commencer avec de petites doses de soluté, parfois donner à la pipette ou à la cuillère 5 ml par 5 ml. Quand une petite quantité a pu être absorbée, le cercle vicieux lié au jeûne est rompu et l'enfant arrête de vomir. Les antivomitifs sont le plus souvent inefficaces car c'est le déficit en sel et en sucre qui est responsable des vomissements. L'eau de riz, la soupe de carotte et les sodas à base de coca n'ont pas une composition adaptée et sont inefficaces dans les diarrhées profuses. Les parents doivent être avertis qu'en cas de diarrhée profuse (plus d'une selle par heure), de vomissements incoercibles et/ou de perte de poids (peser l'enfant lors de toute visite), l'enfant doit être hospitalisé.
La réalimentation doit être à présent précoce. Les études montrent qu'une réalimentation rapide réduit le risque de dénutrition et raccourcit la durée de la diarrhée. Chez les enfants nourris au sein, on poursuit l'allaitement avec des biberons de SRO entre les tétées.
Lors de diarrhée faible ou modérée, on hydrate pendant 4 heures avec un SRO et on reprend le lait dès la cinquième heure :
– un lait sans protéines du lait de vache chez l'enfant de moins de 4 mois pendant 15 jours ;
– le lait que recevait l'enfant avant le début de la diarrhée après 4 mois.
En cas de récidive précoce ou d'aggravation de la diarrhée, un lait sans lactose sera donné.
Lors d'une diarrhée sévère, une préparation sans lactose d'emblée sera proposée pendant une ou deux semaines pour les nourrissons de plus de 4 mois.
Les médicaments
L'acétorphan a une action antisécrétoire par inhibition de l'enképhalinase. Il a démontré son efficacité sur la durée et le débit de la diarrhée ; sa tolérance est bonne.
Les opiacés sont contre-indiqués chez les enfants de moins de 2 ans.
Les silicilates agissent par leur pouvoir absorbant sur l'aspect des selles ; c'est un traitement de confort. Les probiotiques modifient par différents mécanismes la durée de la diarrhée. Leur mécanisme d'action serait plus intéressant dans la prévention.
Les antibiotiques ont des indications exceptionnelles essentiellement pour les infections à Shigella et à Campylobacter. Les salmonelloses ne doivent pas être traitées, excepté sur des terrains particuliers (nourrisson, sévérité du tableau, déficit immunitaire…).
Les antiseptiques intestinaux n'ont aucune indication.
Le SRO
Morale de l'histoire et essentiel du traitement : le soluté de réhydratation orale (SRO) est un médicament.
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