Isolement
Le nombre de personnes âgées souffrant de malnutrition à domicile est estimé entre 350 000 et 500 000 en France. Les personnes âgées malnutries sont souvent dépressives, isolées, dépendantes, atteintes de pathologies aiguës ou chroniques et provenant de milieux défavorisés. La malnutrition est la source de pathologies secondaires, de retard de cicatrisation et d’une augmentation de la durée d’hospitalisation. La malnutrition protéino-énergétique est estimée à environ 50 % de la population âgée hospitalisée, à 30 % en maison de retraite et entre 5 et 10 % à domicile.
Les conséquences de la malnutrition protéino-énergétique chez les sujets âgés fragiles et polypathologiques est une augmentation de la morbi-mortalité (infections, chutes fractures, escarres...). Les professionnels confrontés à cette morbi- mortalité sont obligés de développer une prise en charge adaptée. En effet, la malnutrition protéino-énergétique est un problème de santé publique pour lequel un programme de prévention est nécessaire.
Causes multiples et intriquées
La malnutrition est de type : exogène, par carence d’apport, ou endogène, secondaire à un stress provoquant une anorexie, et une entrée dans la spirale de la malnutrition.
Réduction des apports nutritionnels
Le vieillissement est à l’origine de modifications physiologiques telle qu’une altération de l’odorat, du goût, un état bucco-dentaire médiocre, ainsi qu’un ralentissement du transit à l’origine de constipation. A ces modifications s’ajoutent des facteurs psychosociaux : une diminution des ressources, un manque d’aide au domicile pour la préparation des repas, une diminution de l’envie de manger dans un contexte d’isolement social ou familial, la disparition du conjoint, une sensation d’inutilité, et un refus à accepter la diminution des capacités physiques (troubles de la marche, rendant difficiles les possibilités d’approvisionnement) ou intellectuelles (troubles de la reconnaissance des aliments, désor- ganisation des horaires des repas). L’alimentation devient également compliquée en présence de troubles de déglutition ou de tremblements des membres supérieurs.
De plus, la polymédication et tout régime entraînent une anorexie. Certains médicaments provoquent anorexie, nausées, sécheresse buccale, constipation ou diarrhée, somnolence.
Augmentation des besoins métaboliques par hypercatabolisme.
L’organisme soumis à un stress (infarctus, escarre, fracture...) augmente ses dépenses énergétiques métaboliques d’origine protidique. Or, les réserves protidiques de la personne âgée (masse maigre) sont moins importantes que chez l’adulte jeune, et leur reconstitution est difficile.
La spirale
Conséquences de la malnutrition: la spirale.
La malnutrition atteint l’immunité de façon globale, favorisant ainsi les infections. Le manque de protéines entraîne une diminution de la masse musculaire à l’origine de troubles de l’équilibre, de chutes avec augmentation du risque de fractures et risque de perte d’autonomie. Au cours d’affections responsables d’une immobilisation, la malnutrition altère les fonctions trophiques et favorise la survenue d’escarres. L’asthénie, l’anorexie et l’apathie, liées à la malnutrition, majorent la confusion et la déshydratation.
La malnutrition et les altérations survenant lors du vieillissement s’additionnent, se potentialisent et entraînent une plus grande incidence des infections, chutes et escarres. Ces événements provoquent un état hypercatabolique qui épuise les réserves chez la personne âgée, et la fait entrer dans«la spirale infernale».
Evaluation
Evaluation de l’état nutritionnel du sujet âgé
I – Enquête diététique
Revenus, capacités d’approvisionnement, réalisation des repas, eau, autonomie pour s’alimenter ?
II – Recherche des facteurs favorisant la malnutrition:
– évaluation de l’état bucco-dentaire et troubles de la déglutition ;
– constipation ;
– diagnostic d’une plaie,
d’une escarre ;
– évaluation des fonctions supérieures ;
– autonomie fonctionnelle et humeur.
III – Recherche des signes de malnutrition:
– perte de 5 à 10 % du poids en moins de six mois ;
– baisse de la tension artérielle (la malnutrition et la déshydratation sont souvent liées) ;
– anorexie, asthénie, dépression, nausées ;
– infections récidivantes.
IV - Bilan biologique
D osage des protéines nutritionnelles circulantes : l’albumine et la préalbumine :
– malnutrition modérée : albumine < 35 g/l et préalbumine < 200 mg/l ;
– malnutrition sévère : albumine < 30 g/l et préalbumine < 150 mg/l ;
– malnutrition très sévère : albumine < 25 g/l et préalbumine < 100 mg/l.
Ces protéines sont sensibles aux variations de l’état nutritionnel sans être spécifiques. En effet, elles sont diminuées lors d’une inflammation et sont surestimées en cas de déshydratation.
Evaluation d’un syndrome inflammatoire
CRP > 20 mg/l seuil pathologique.
L’élévation de la CRP est en faveur d’un hypercatabolisme à l’origine de la dénutrition.
Le Mini Nutritional Assessment (MNA)
Le MNA est la grille de référence pour le dépistage de la malnutrition, elle est notée sur 30, le risque de dénutrition étant potentiel entre 17 et 23, et certain s’il est inférieur à 17.
En pratique:
devant les signes d’alerte:
–perte de poids;
–deuxrepas par jour;
–revenus insuffisants;
–perte d’autonomie physique ou psychique;
–problèmes bucco-dentaires;
–troubles de la déglutition;
–veuvage, solitude, dépression;
–plus de cinq médicaments par jour;
–toute pathologie;
dosage de l’albuminémie, de la préalbumine et de la CRP.
Traitement
1.La renutrition préventive
Education de la personne âgéeet de son entourage
– conserver une activité physique ;
– surveiller son poids ;
– vérifier régulièrement son état bucco-dentaire ;
– prendre trois repas au quotidien riches en calcium, protéines, fruits, légumes, féculents ;
– faire des plats appétissants au goût relevé ;
– boire au minimum 1,5 litre d’eau par jour ;
– maintenir le plus de convivialité possible lors des repas.
Pallier les incapacités
– mettre en place des aides à domicile avec les services de la mairie : aide ménagère, famille, voisins, portage de repas ;
– adapter le logement, cuillère, fourchette, ouvre-pots, paille, verre pipette, tapis antidérapant.
Identifier et corriger les facteurs de malnutrition
– supprimer les causes d’anorexie : constipation, dépression, infection ;
– supprimer ou manier avec souplesse les régimes ;
– alléger l’ordonnance et donner les médicaments en fin de repas ;
– soulager la douleur ;
– assurer les soins bucco-dentaires : faire des soins de bouche, confection et réfection des appareils dentaires.
2.La renutrition curative par voie orale:
De nombreux compléments alimentaires sont disponibles sous différentes formes : liquide ou crème, avec une grandes variétés d’arômes et de goûts. Ces compléments doivent être servis frais, à distance des repas, deux ou trois par jour si besoin. La malnutrition est un problème de santé publique responsable d’une augmentation de la morbi-mortalité. Elle est souvent d’origine mixte, exogène et endogène.
Son dépistage est capital, afin de mettre en place une prise en charge précoce, et d’éviter les complications parfois redoutables pour la personne âgée.
La malnutrition est un facteur non négligeable dans le maintien de l’autonomie et de la qualité de vie des personnes âgées.
JOYCE SIBONY-PRATService de gériatrie aiguëHôpital André- Grégoire 93100 Montreuil
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