Un socle
Ces études épidémiologiques, peu nombreuses, montrent que la pathologie du voyage ne se limite pas aux risques infectieux et tropicaux, loin de là. Elles sont le socle sur lequel s'appuie la médecine des voyages, discipline nouvelle, dont le but est « de garder le voyageur vivant et en bonne santé ».
1. Mortalité
Le risque de décès en voyage a été estimé à 1 pour 100 000 voyageurs et par mois de séjour pour les voyageurs non humanitaires et à 1 pour 10 000 pour les humanitaires. Les causes de mortalité en voyage sont identiques dans les deux études, américaine et canadienne, qui les ont évaluées : causes cardio-vasculaires (50 %), accidentelles (25 %) et inconnues (25 %). Les principales causes de décès accidentels sont les accidents de la voie publique, les noyades, les homicides et les suicides. Les infections ne rendent compte que de 1 à 3 % des décès.
Les risques graves les plus fréquemment encourus par le voyageur sont donc plus la conséquence de l'âge des voyageurs (accidents cardio-vasculaires), des loisirs (noyades...) et des modes de transport (accidents de la voie publique) que des maladies infectieuses. On peut éventuellement discuter le rôle du stress et de la fatigue du voyage dans le déclenchement des accidents cardio-vasculaires chez certains voyageurs âgés, mais il vaut mieux insister, pour les voyageurs souffrant d'une maladie chronique, sur l'importance de la stabilisation d'une pathologie existante avant de partir.
2. Morbidité
La morbidité a été évaluée au cours du voyage et au retour de voyages.
Au cours du voyage, elle est principalement évaluée par des enquêtes par questionnaire et par le suivi de voyageurs enrôlés lors de consultation avant le départ. Sept études ont été publiées jusqu'à maintenant. Le taux de voyageurs malades varie de 15 à 70 %, selon les études. Environ 5 % des voyageurs vont consulter un médecin pendant le voyage ou après le retour et cinq voyageurs sur mille sont hospitalisés. Ces études diffèrent par le mode de sélection des voyageurs inclus, leur pays d'origine, leur destination et le champ des pathologies étudiées, mais concordent quant aux résultats. La diarrhée du voyageur représente grossièrement la moitié des ennuis de santé suivie par les infections respiratoires, notamment ORL (otites, sinusites, angines, rhume), les dermatoses (infectieuses ou non) et la fièvre. Les accidents, le mal des transports et le mal de l'altitude sont de plus en plus souvent rapportés.
Les résultats de certaines de ces études concordent aussi largement quant aux facteurs de risque de maladie en voyage : jeune âge, sexe féminin, non-respect des précautions vaccinales ou des règles d'hygiène, destinations particulières (le sous-continent indien apparaît être la destination la plus à risque), voyage prolongé et voyage individuel.
Les informations apportées par les études précédentes sont confirmées par les résultats des consultations effectuées auprès des voyageurs par les médecins sur place. De plus, celles-ci montrent que la fréquence des maladies varie beaucoup en fonction du lieu de séjour et des saisons de voyage. Ainsi, dans les régions froides et montagneuses comme le Népal, la diarrhée et les infections respiratoires prédominent et représentent près de 70 % des causes de consultation, contre 10 % pour les dermatoses. En revanche, dans les régions chaudes et maritimes, comme les îles Fidji ou les Maldives, les dermatoses (surtout solaires) et les blessures superficielles représentent plus de 70 % des causes de consultation, contre 20 % pour la diarrhée. Il y a aussi une variation saisonnière du risque, montrée au Népal, où les infections respiratoires sont des causes significativement plus fréquentes de consultation l'hiver, tandis que la diarrhée du voyageur et les autres maladies transmises par l'eau ou les aliments sont plus fréquentes l'été (ou pendant et un peu après la saison des pluies). Du point de vue des saisons, il vaut mieux voyager pendant la saison froide (fraîcheur toute relative) dans les pays tropicaux.
Au retour de voyage, la plupart des études s'intéressent à une maladie particulière (paludisme, bilharzioses, leishmanioses cutanées, larva migrans cutanée,...) ou à un ensemble de pathologies (dermatoses, fièvre, pneumonies...). Seules deux études ont évalué prospectivement les pathologies observées au retour de voyage. Comme pendant le voyage, les principales causes de maladies au retour de voyage sont la diarrhée, les infections respiratoires, les dermatoses et la fièvre. Dans notre expérience hospitalière parisienne (service spécialisé en médecine tropicale), 622 voyageurs français ont consulté sur une période de six mois, entre novembre 2002 et mai 2003, pour 637 problèmes de santé survenus dans les trois mois suivant un voyage en pays tropical. Les principales maladies étaient les dermatoses (23 % des problèmes), la diarrhée (19 %), les infections respiratoires (11,5 %), le paludisme (8,8 %) et la bilharziose (7,2 %). Ainsi, même dans les centres de références en maladies tropicales, la part observée par ces maladies ne dépasse par un tiers des causes de consultation au retour.
3. Conclusion
Les maladies sont donc fréquentes en voyage, mais rarement graves. La part occupée par les grandes maladies tropicales (exception faite du paludisme, surtout observé chez les migrants revenant de visiter amis et familles dans leur pays d'origine) est en réalité faible par rapport à celle occupée par des maladies cosmopolites (infections respiratoires, dermatoses, etc.), la diarrhée restant la plus fréquente des pathologies du voyageur.
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