PRATIQUE
1) Henry Lynch et coll. ont décrit en 1996 l'association de cancer colo-rectal (CCR) à des tumeurs de l'estomac et de l'endomètre. Ils ont appelé cette entité le syndrome de cancer familial.
2) Cette entité fut ensuite appelée syndrome de Lynch, puis HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colon Cancer).
3) L'HNPCC est :
a) une maladie autosomique dominante ;
b) elle est due à une mutation d'un des gènes de réparation des mésappariements de l'ADN (DNA Mismatch Repair Genes).
4) C'est la cause de 3 à 5 % des cas de CCR.
Lésions extracoliques
1. Cancers
a) Gynécologiques :
- utérus (40 %) ;
- ovaire (10 %).
b) Digestifs extracoliques ;
- estomac ;
- grêle ;
- voies biliaires.
c) Uretère et bassinet.
d) Cerveau ;
- glioblastome*.
2. Lésions cutanées ;
a) Taches café au lait.
b) Tumeurs des glandes sébacées**.
c) Kérato-acanthomes**.
* Syndrome de Turcot.
** Syndrome de Muir-Torre.
1) Contrairement à la polypose adénomateuse familiale (PAF), qui comporte par définition au moins 100 adénomes, au cours de l'HNPCC :
a) le cancer naît en général d'une lésion colique unique ;
b) il s'agit parfois d'un adénome plan ;
c) histologiquement, ces lésions sont souvent villeuses et comportent souvent une dysplasie de haut grade.
2) Un sujet ayant une mutation HNPCC a, durant sa vie, de 70 à 80 % de « chances » de développer un cancer du côlon ou du rectum.
3) L'âge moyen d'apparition du CCR est de 44 ans (alors que c'est la 7e décennie pour le cancer sporadique).
4) Leur site d'apparition privilégié est droit (en amont de l'angle gauche [splénique]) dans 60 à 80 % des cas versus un quart à un tiers des cas pour le cancer sporadique).
5) Des cancers multiples, synchrones ou métachrones, s'observent dans 45 % des cas.
Critères d'Amsterdam
1. Critères d'Amsterdam I
- CCR* : 3 parents (ou plus) ;
- un est parent au premier degré des deux autres (PAF** exclue) ;
- CCR sur deux générations ;
- un cas au moins < 50 ans.
2. Critères d'Amsterdam II
- Trois parents (ou plus) : CCR ou cancer associé au HNPCC*** ;
- un est parent au premier degré des deux autres (PAF (2) exclue) ;
- CCR sur deux générations ;
- un cas au moins < 50 ans.
* Cancer colo-rectal histologiquement prouvé.
** Polypose adénomateuse familiale.
*** Endomètre, grêle, bassinet, uretère.
1) En cas de HNPCC, de nombreuses tumeurs malignes extracoliques peuvent survenir chez les patients ou leur famille (encadré 1).
2) Le risque le plus élevé concerne les deux tumeurs suivantes :
a) cancer de l'endomètre (40 %) ;
b) cancer de l'ovaire (10 %).
1) La stratégie générale du diagnostic peut se résumer comme suit :
a) arguments cliniques (de suspicion) : on peut les grouper sous les rubriques suivantes :
i) critères d'Amsterdam I et II (encadré 2) ;
ii) critères de Bethesda. Ces derniers sont employés pour sélectionner les malades chez lesquels on cherchera une instabilité des microsatellites (MSI) sur la tumeur colo-rectale (voir ci-dessous) (encadré 3) ;
b) arguments moléculaires phénotypiques(d'orientation) : l'instabilité des microsatellites (expansion ou contraction de courtes séquences répétées d'ADN). La présence d'une MSI fera rechercher la mutation ;
c) arguments génétiques de certitude : détection des mutations au niveau des gènes de réparation des mésappariements de l'ADN (notamment hMSH2 et hMLH1).
2) Que faut-il savoir sur l'instabilité des microsatellites (Microsatellite Instability [MSI]) ?
a) Elle s'observe sur l'ADN tumoral (et non dans la muqueuse adjacente) des individus ayant une mutation des gènes de réparation des mésappariements de l'ADN.
b) Une MSI s'observe :
i) dans plus de 90 % des cas de HNPCC remplissant les critères d'Amsterdam ;
ii) dans 15 % des cas de CCR sporadiques.
3) Diagnostic génétique.
a) C'est la mise en évidence d'une mutation sur l'un des gènes de réparation des mésappariements de l'ADN.
b) Les plus fréquentes portent sur hMSH2 et hMLH1.
c) Un consentement éclairé doit être signé et une prise en charge en oncogénétique doit être fournie.
Critères de Bethesda
1. Critères Amsterdam (+).
2. Deux cancers HNPCC (1) :
- CCR (2) synchrone ou métachrone ;
- autre cancer HNPCC.
3. CCR et parent 1er degré avec :
- CCR et/ou autre cancer HNPCC et/ou adénome ;
- si cancer < 45 ans ou adénome < 40 ans.
4. CCR ou cancer endomètre < 45 ans.
5. CCR droit, indifférencié < 45 ans.
6. CCR du type cellule en bague à chaton < 45 ans.
7. Adénome < 45 ans.
(1) Endomètre, ovaire, estomac, biliaire, grêle, uretère et bassinet.
(2) Cancer colorectal.
1) La conduite à tenir est différente selon que l'on dispose ou non d'un diagnostic génétique.
2) En l'absence de diagnostic génétique :
a) il faut soumettre les parents du premier degré d'un sujet atteint à une surveillance stricte (le risque d'être atteint par l'HNPCC est de 25 %) ;
b) cette surveillance comporte les modalités suivantes :
i) soit une coloscopie tous les un à deux ans entre 20 et 30 ans, puis une coloscopie annuelle à partir de 40 ans ;
ii) soit une coloscopie tous les un à deux ans, à partir de l'âge de 25 ans.
3) Lorsque le diagnostic de la mutation germinale est posé, il est recommandé de commencer les coloscopies annuelles à 25 ans, ou si besoin plus tôt : cinq ans avant la date du cas le plus précoce de la famille.
4) Il ne faut pas oublier le risque d'autres cancers, et notamment du cancer de l'endomètre : son dépistage doit être systématique et commencer vers 25 à 35 ans.
Une colectomie subtotale avec anastomose iléo-rectale (et surveillance du rectum) :
- est impérative en cas de CCR (il y a un risque élevé de CCR métachrone) ;
- peut être proposée :
i) en cas de détection d'adénome ;
ii) voire chez des sujets porteurs de la mutation et n'ayant pas encore d'atteinte macroscopique du côlon.
L'affirmation E) 2) a) est fausse. En effet, le syndrome HNPCC est une maladie autosomique dominante, et les parents du premier degré d'un sujet atteint ont un risque de 50 % d'être atteint (et non de 25 %).
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