PRATIQUE
• L'hyperphagie boulimique
C'est le trouble le plus fréquent et il est très important d'en faire le diagnostic avant de prendre en charge le surpoids.
Il faut demander au patient : « Est-ce qu'il vous est possible de ne pas manger de façon boulimique ? » ou : « Mangez-vous souvent au cours d'un repas bien au-delà de ce que vous devriez manger, c'est-à-dire une quantité d'aliments bien supérieure à vos besoins ? »
Le sentiment de perte de contrôle de l'alimentation est au centre du syndrome.
Mais le patient en souffre et c'est ce qui motive la consultation : « Je ne supporte plus de ne pouvoir maîtriser mon comportement ! »
Les patients expliquent qu'ils avalent rapidement de grandes quantités de nourriture, souvent en cachette, jusqu'à une sensation douloureuse de plénitude gastrique. Ils se sentent honteux et coupables devant l'incapacité de contrôler leur comportement alimentaire.
Certains contrôlent leur poids par des vomissements, avec des laxatifs et une activité physique intense. Leur poids est proche de la normale. D'autres ne le maîtrisent pas et ont un surpoids. L'hyperphagie boulimique atteint 2 % de la population générale, mais 10 % des obèses souffrent de troubles compulsifs alimentaires. Enfin, parmi les obèses qui consultent, de 30 à 50 % des malades présentent ce type de troubles.
Il n'y a pas de corrélation entre le trouble du comportement et l'importance du surpoids, ni de différences en fonction des sexes, mais les femmes consultent plus souvent que les hommes.
Les troubles psychopathologiques sont souvent des préoccupations obsessionnelles pondérales et alimentaires.
La dépression, l'anxiété, l'impulsivité, les comportements obsessionnels, les troubles paniques et les troubles de la personnalité sont plus fréquents que dans la population générale.
• La restriction cognitive
Tous ces patients pratiquent la restriction cognitive. Celle-ci se définit par le fait de manger, non en fonction de critères internes de régulation, mais selon des critères externes.
Lorsque les signaux de faim et de satiété fonctionnent normalement, la prise alimentaire est destinée à calmer la faim et elle s'arrête lorsque survient la satiété.
Le sujet qui pratique la restriction cognitive sélectionne les aliments en fonction d'une croyance erronée concernant leur pouvoir calorique. Certains aliments sont tabous et « diabolisés » : le chocolat, la charcuterie, les plats en sauce, etc. Les aliments choisis sont absorbés à heure fixe, sans tenir compte de la faim, et dans des quantités définies, sans tenir compte de la satiété. Ces méthodes favorisent les troubles du comportement alimentaire puisqu'elles ne tiennent plus compte des signaux régulateurs.
Les patients souffrant de compulsions boulimiques renoncent à un moment à contrôler leur alimentation. Ils se restreignent tout au long de la journée puis tout d'un coup craquent et transgressent l'interdit en mangeant l'aliment tabou. L'acte est très anxiogène et déclenche un épisode boulimique.
Le développement et la banalisation des régimes entraînent une grande partie de la population à la restriction cognitive et favorisent les troubles compulsifs boulimiques.
• Sortir du cycle infernal
Pour sortir de ce cycle infernal, il est indispensable d'éliminer tout régime restrictif. Il faut repérer les déclencheurs des hyperphagies et remodeler un nouveau type de comportement alimentaire suivant les critères internes de régulation. Ceci veut dire : manger quand on a faim, sans attendre d'avoir trop faim, apprendre à différencier la faim et l'envie de manger. Cela permet d'être à l'écoute de ses sensations. La conséquence immédiate peut être une déstructuration de l'alimentation, mais les rythmes alimentaires se normalisent ensuite spontanément.
Il faut réintroduire les aliments tabous, anxiogènes, qui déclenchent la boulimie et manger à nouveau des aliments évités depuis longtemps, les introduire sur un mode régulé, en quantité normale, correspondant à leur faim.
Il faut aussi travailler sur les déclencheurs des pertes de contrôle et identifier tous les problèmes psychologiques pouvant déboucher sur des prises alimentaires compulsives.
• Modifier les objectifs
L'obtention d'un poids idéalement bas étant mythique, il faut modifier les objectifs et faire accepter un poids d'équilibre raisonnable. Enfin, il faut soigner les troubles du comportement, les troubles physiques consécutifs au surpoids. L'accompagnement dure plusieurs mois et parfois des années, mais ce n'est qu'à ce prix que les résultats sont durables.
D'après une communication du Dr Apfeldoffer aux Journées de thérapeutique et de nutrition à Bordeaux.
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