DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES ÊTRES HUMAINS sont identiques à 99,9 % pour ce qui est des séquences de l'ADN ; seulement 0,1 % du génome est constitué de polymorphismes mononucléotidiques (variations ponctuelles des bases d'ADN) dispersés dans le génome.
Cependant, il est apparu récemment que les différences génétiques entre individus sont bien plus importantes que ce que l'on pensait.
En effet, grâce à de nouveaux outils de génomique, de nouvelles formes de variations génomiques ont été observées au-delà des polymorphismes mononucléotidiques (SNP).
Alors que l'on croyait qu'à quelques exceptions près, tous les segments d'ADN existaient en deux exemplaires (l'un hérité de notre mère et l'autre de notre père), des recherches ont identifié des régions du génome humain dans lesquelles le nombre de copies diffère d'un individu à l'autre. C'est ce que l'on a appelé la variation du nombre de copies (CNV en anglais pour « copy number variations »).
Cette variation, dans le nombre de copies, est maintenant reconnue comme une source importante de diversité génétique entre individus, et elle pourrait jouer un rôle dans la prédisposition à des maladies génétiquement complexes. Une nouvelle étude publiée dans « Nature Genetics » témoigne du fait que la variation du nombre de copies d'un gène répandue dans la population peut être un facteur de prédisposition à une maladie relativement courante.
«Nous avons découvert qu'une variation dans le nombre de copies d'un gène particulier, fréquente dans les populations humaines, prédispose à la maladie auto-immune», explique au « Quotidien » le Dr Timothy Aitman, de l'Imperial College (Londres).
«Notre étude indique que la variation dans le nombre de copies du gène FCGR3B est fréquente chez les humains et conduit à un risque accru de développer plusieurs maladies auto-immunes, en particulier le lupus érythémateux disséminé (LED). »
En comparant 536 patients atteints de LED et des témoins d'une cohorte britannique née en 1958, Fanciulli, Aitman et coll. ont découvert que les individus qui possèdent moins de deux copies du gène FCGR3B, comparés à ceux qui possèdent deux copies, ont un risque multiplié par 2 de développer un LED. Puisque le gène FCGR3B code pour un récepteur (Fc) qui régule la réponse inflammatoire et immune, cela soulevait la possibilité qu'un faible nombre de copies du gène FCGR3B puisse conférer une susceptibilité à d'autres maladies auto-immunes.
Cohortes de Birmingham et de Cochin.
Les chercheurs ont examiné cette hypothèse en étudiant, dans un premier temps, des patients atteints d'une autre forme de maladie auto-immune systémique, la vascularite associée aux Anca (Anti-Neutrophil Cytoplasmic Antibody) dont les deux sous-types de syndromes sont : la granulomatose de Wegener et la polyangéite microscopique. Les chercheurs ont effectivement découvert une association entre le nombre de copies du gène FCGR3B et le risque de granulomatose de Wegener, en étudiant deux cohortes indépendantes (une cohorte de l'université de Birmingham, et une cohorte de l'hôpital Cochin à Paris). Ils ont trouvé une association entre le nombre de copies de FCGR3B et la polyangéite microscopique dans une autre cohorte (de Birmingham). Les individus qui possédaient moins de deux copies du gène avaient un risque de granulomatose de Wegener multiplié par 2,46 et un risque de polyangéite microscopique multiplié par 2,56.
Le pourcentage d'individus qui ne possèdent aucune copie du gène FCGR3B était nettement supérieur parmi les patients souffrant d'auto-immunité systémique que parmi les témoins (2 % comparés à 0,1 %).
«Le fait de ne posséder aucune copie (zéro) confère un risque d'auto-immunité qui est multiplié par 20», précise au « Quotidien » le Dr Aitman.
Pas d'association dans les maladies spécifiques d'organe.
En revanche, lorsque les chercheurs ont étudié des patients souffrant d'une maladie auto-immune non systémique, spécifique à un organe, comme la maladie de Basedow ou la maladie d'Addison, aucune association n'a été trouvée entre ces maladies et le nombre de copies du gène FCGR3B.
«Nos résultats suggèrent qu'un faible nombre de copies de FCGR3B, et en particulier un déficit complet de FCGR3B, joue un rôle clé dans le développement de l'auto-immunité systémique», concluent les chercheurs.
Cette découverte étaye donc l'hypothèse selon laquelle des variations du nombre de copies de certains gènes, qui sont répandues dans la population et sont transmissibles, peuvent conférer une prédisposition à des maladies humaines relativement courantes.
Fanciulli et coll. « Nature Genetics », 21 mai 2007, DOI : 10.1038/ng2046.
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