L'accouchement prématuré avant la fin de la 37e semaine de grossesse demeure une cause majeure de mortalité infantile dans les pays développés. Malgré de nombreuses études évaluant la réduction d'activité physique, les tocolytiques (inhibant les contractions utérines), des antibiotiques et d'autres stratégies préventives, aucune méthode ne s'est démontrée efficace de manière reproductible.
Inspirés en partie par les résultats positifs de petits essais du 17 alpha-hydroxyprogestérone caproate (17P), dont l'un a été publié voilà déjà trente ans, Meis (Wake Forest University, NC) et coll. ont décidé d'en évaluer l'efficacité en prévention des accouchements prématurés.
Le 17P est un métabolite naturel de la progestérone, faiblement actif, qui a été isolé dans la surrénale et le corps jaune. Donné par voie orale, l'agent pharmacologique synthétique est inactivé, mais, lorsqu'il est administré par voie intramusculaire, il agit comme un progestatif à action prolongée.
Une action prolongée en I.M.
Les investigateurs ont choisi de conduire leur étude chez un groupe de femmes qui ont déjà eu au moins un accouchement prématuré spontané et, donc, à très haut risque de récidive.
Dans cette étude multicentrique américaine, 463 femmes enceintes ont été randomisées dans un rapport de 2 à 1, pour recevoir, dès la 16e ou 20e semaine de grossesse, soit 250 mg de 17P (n = 310), soit le placebo (n = 153), en injection I.M. hebdomadaire, et ce jusqu'à la 36e semaine ou l'accouchement.
L'efficacité ne fait aucun doute. Le traitement progestatif par 17P a réduit d'un tiers le risque d'accouchement prématuré avant la 37e semaine (observé chez 36 % des femmes traitées, contre 55 % des femmes sous placebo ; RR = 0,66 ; IC 95% : 0,54 à 0,81).
Moins de complications de la prématurité
Les mêmes réductions sont observées pour le taux d'accouchement prématuré avant 35 semaines de grossesse (20 % contre 30 % ; RR = 0,67) et avant 32 semaines (11 % contre 19 % ; RR = 0,58).
Ceci se traduit par une réduction significative du taux de plusieurs complications de la prématurité chez les enfants du groupe traité par progestatif 17P (entérocolite ulcéro-nécrosante, hémorragie intraventriculaire et oxygénothérapie).
Il faut souligner la solidité de cette étude par plusieurs aspects : elle est vaste, les deux groupes sont similaires à la randomisation et moins de 1 % des femmes ont été perdues durant le suivi.
Plusieurs questions importantes demeurent. Comment le 17P agit-il ? On sait que la progestérone relaxe le muscle lisse, bloque l'action de l'ocytocine et inhibe la formation des jonctions communicantes. De plus, une baisse locale du taux de progestérone, en valeur absolue ou par rapport au taux d'estrogènes, semble déclencher le travail à terme. Mais « ses mécanismes d'action pour prolonger la grossesse ne sont pas entièrement connus », notent les investigateurs.
Pourrait-il y avoir des effets néfastes ? « Il est rassurant que ce traitement n'ait pas augmenté l'incidence de chorioamniotite maternelle ou de septicémie néonatale », remarque dans un éditorial le Dr Michael Greene (Massachusetts General Hospital). Aucun effet tératogène n'a été observé jusqu'ici. Mais il note que « le suivi à plus long terme de cette cohorte aiderait à en apporter l'assurance ».
Ces résultats peuvent-ils être généralisés aux femmes qui ont d'autres facteurs de risque de prématurité ? Ceci n'est pas sûr, étant donné la fréquence très élevée d'accouchements prématurés dans le groupe placebo, bien plus élevée que dans les autres groupes à risque. Une étude pourrait être menée au cours de grossesses gémellaires, suggère le Dr Greene.
Enfin, le progestatif 17P utilisé dans l'étude est peu disponible sur le marché. Deviendra-t-il plus disponible ? Et d'autres progestatifs administrés par des voies moins invasives (par exemple en suppositoires) pourraient-ils être aussi efficaces ?
Première intervention efficace
« Malgré le traitement, plus d'un tiers des femmes étudiées ont tout de même accouché prématurément. L'étude démontre, toutefois, qu'au moins certains accouchements prématurés peuvent être prévenus. Le 17P pourrait bien n'être que la première d'une série d'interventions efficaces pour réduire le taux d'accouchements prématurés », conclut le Dr Greene.
« New England Journal of Medicine », 12 juin 2003, pp. 2379 et 2453.
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