par le Dr Anne le Pillouer-Prost*
LE PRINCIPE de la photothérapie dynamique (PTD) est relativement simple : sous irradiation lumineuse, un agent chimique exogène (le photosensibilisant), peu ou non toxique à l'obscurité, induit des processus photochimiques létaux ayant pour conséquence l'inactivation de la lésion. L'action photodynamique nécessite l'interaction de trois composants : le photosensibilisant (PS), des photons énergétiques lumineux et de l'oxygène. La formation d'oxygène singulet semble la plus importante pour l'effet recherché par les techniques de PTD, en raison de la grande capacité de cette molécule à interagir avec de multiples biomolécules du milieu pour former des composés radicalaires cytotoxiques. La molécule qui est utilisée en France actuellement, sous forme topique en dermatologie, est un dérivé méthylester de l'acide 5 alpha-aminolévulinique (ALA), précurseur endogène de protoporphyrine IX (PP IX) : le méthylester d'ALA commercialisé par Galderma International sous le nom de Metvixia en tube de 2 g (1). Metvixia est appliqué en couche épaisse, en débordant de 1 cm des lésions, sous pansement occlusif opaque pendant 3 heures, sur des lésions confirmées par histologie et préalablement décapées. Un tube de 2 g permet de traiter environ 20 cm2. Les longueurs d'onde utilisées pour l'irradiation lumineuse qui suit l'application se situent autour de 630 nm, compromis entre la courbe d'absorption de la PP IX et les profondeurs de pénétration : lumières rouges de type lampes continues (CW) ou diodes électroluminescentes (LEDs).
L'effet photochimique nécessite des puissances faibles et de longs temps d'exposition pour se produire : autour de 10 à 20 minutes par zone selon les appareils. Durant l'exposition lumineuse les sensations douloureuses sont d'autant plus marquées que le volume de la cible est important et sont variables selon les patients. On utilise en général de l'air froid pulsé, des ventilateurs… Après la séance les lésions sont oedématiées et érythémateuses (« end-point »). Un pansement est réalisé, les sensations douloureuses peuvent durer plusieurs heures et le patient doit éviter toute exposition solaire pendant 36 heures. Localement, il va présenter une réaction phototoxique et des croûtes pendant 8 à 15 jours. Les résultats cosmétiques sont excellents, sans cicatrice visible avec seulement des hyperpigmentations transitoires.
C'est dans le domaine de la carcinologie cutanée que ces nouvelles techniques de PTD vont pouvoir le plus nous aider à traiter certains patients présentant des formes superficielles étendues de cancers ou précancers cutanés. Les indications retenues pour l'AMM en France en 2007 sont au nombre de trois.
Les kératoses non hypertrophiques et non pigmentées du visage, à raison d'une séance avec contrôle à trois mois, suivie d'une seconde séance si nécessaire. Globalement, les études rapportent une efficacité intéressante en une seule séance, avec un taux de succès de 68 à 75 % en moyenne vs 6 à 18 % pour l'excipient ou la lumière seule. L'efficacité peut atteindre 90 % si l'on réalise deux séances à une semaine d'intervalle. Les lésions des extrémités – face dorsale des mains – répondent moins bien que celles du visage, avec des taux de rémission de seulement 44 %.
Après confirmation par biopsies.
Pour les carcinomes basocellulaires superficiels non récidivants du tronc, des membres et du cou, après confirmation des lésions par biopsie, la PTD est effectuée à raison de 1 séance, avec contrôle à 3 mois, et si nécessaire un cycle de 2 séances espacées de 8 jours. Pour la voie topique avec l'ALA, on obtient des résultats très variables, avec des taux de guérison de 50 à 100 % pour les formes superficielles, suivant les sources utilisées, les paramètres et le recul de chaque étude… Dans la dernière étude de Horn (2004), MAL-PTD, sur 85 sujets ayant bénéficié de 2 séances, les résultats ont été de 95 % d'efficacité clinique et 85 % de guérison histologique contrôlée par biopsie.
En ce qui concerne les carcinomes intraépidermiques – maladie de Bowen – non pigmentés, lorsque la chirurgie est impossible, chez les sujets immunocompétents, la nature des lésions doit également être au préalable confirmée par biopsie.
Deux séances de PTD sont réalisées à 8 jours d'intervalle, avec un contrôle à 3 mois ; un 2e cycle de 2 séances est effectué si nécessaire. Dans la littérature, on retrouve des taux de rémission complète, après 1 ou 2 séances de PTD, qui atteignent 70 à 100 % avec de bons résultats cosmétiques.
Ces techniques peuvent également rendre de grands services dans des cas extrêmes et exceptionnels : épidermodysplasie verruciforme, en réduction de volume tumoral préopératoire, ou versus radiothérapie dans des naevomatoses basocellulaires…, dans le cadre de traitements palliatifs de mycosis ou lymphomes dépassés.
Bien que demandant confirmation, leur utilisation est envisagée pour les chéilites actiniques, ainsi qu'en situation de prévention, pour les traitements des « champs de cancérisation » UV-induits.
En dehors de la carcinologie, cette technique peut également être utilisée dans l'acné sévère lorsqu'il existe une contre-indication aux traitements de référence habituels, pour la « photoréjuvénation » avec « économie » par rapport au nombre de séances nécessaires. Il faudra toutefois ajouter le prix des tubes… On utilise alors souvent d'autres sources lumineuses. Des recherches sont en cours dans de vastes domaines de la dermatologie avec de nouveaux protocoles et photosensibilisants. Des résultats sont surtout attendus dans le psoriasis, les infections virales, bactériennes ou fongiques, la décolonisation des plaies chroniques, la cicatrisation ou les malformations vasculaires.
* Hôpital privé Clairval, Marseille.
(1) AMM début 2007, tarification en cours, 280 euros/tube lorsque nous l'utilisions en ATU nominative, codification Ccam en cours également.
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