Depuis un siècle, la controverse sur le bien--fondé d'une réduction de l'apport sodé chez les hypertendus, voire la population générale, n'en finit pas, souligne le Pr Michel Beaufils (Paris), l'objectivité scientifique étant souvent en défaut...
Dans les années 1980, deux études de qualité, Insalt et Scottish Health Study, montrent que le niveau de pression artérielle (PA) est plus élevé et l'HTA plus fréquente dans les populations où l'apport sodé est le plus élevé. Cependant, pour une population donnée, la relation entre natriurèse des 24 heures (critère pertinent pour l'évaluation des apports sodés) et la PA est très faible, voire absente. En apparence contradictoires, ces données, selon l'avis des experts, mettent l'accent sur la prépondérance de facteurs génétiques déterminant une sensibilité au sel. On connaît la fréquence de cette sensibilité dans les ethnies afro-américaines, par exemple.
Des données concernant une population d'hypertendus soumis à une restriction sodée indiquent qu'un tiers des patients « sensibles au sel » ont une baisse de PA, un tiers aucune modification, un tiers une majoration tensionnelle.
Des sujets à élimination lente
Chez l'homme sain, poursuit le Pr M. Laville (Lyon), il existe un déterminisme génétique des capacités d'adaptation de l'élimination du sel : les sujets « sensibles au sel » éliminent celui-ci plus lentement. Chez ces sujets, un apport excessif et prolongé en sel favorise l'élévation de la PA et majore le risque cardio-vasculaire, d'autant que d'autres facteurs de risque sont présents : surcharge pondérale, apports insuffisants en calcium et potassium, etc.
La baisse de la PA obtenue par une augmentation de la consommation de fruits et légumes (potassium) et produits laitiers, comme l'ont montré les études DASH 1 et 2, est supérieure à celle obtenue par réduction de l'apport en sel.
L'influence de l'obésité
L'obésité est associée à une sensibilité particulière au sel influençant les variations de PA, souligne le Pr T. Drueke (Belgique). L'étude de Rocchini (« New England Journal of Medicine », 1989) montre que, chez des adolescents obèses (plus de 90 kg), le passage d'une consommation de sel élevée (plus de 15 g/j) à moins de 2 g/j pendant quinze jours entraîne une baisse importante de PA (de 12 mmHg). Après une cure d'amaigrissement de cinq semaines, les sujets ayant réussi à perdre ne serait-ce que 1 kg avaient aussi perdu cette sensibilité au sel.
Le Pr Drueke précise que « l'obésité est un déterminant important de la sensibilité au sel. Celle-ci se traduit par une élévation de la PA, une majoration de la morbi-mortalité cardio-vasculaire (étude de He aux Etats-Unis, étude finlandaise de Tuomelehto). La mesure adéquate pour réduire cette sensibilité chez les obèses est de leur faire perdre du poids. Ceux qui préconisent une restriction sodée se trompent de cible ».
Paris. Symposium « Sel, hypertension et morbidité cardio-vasculaire », organisé par le Comité des salines de France, animé par le Dr F. Saldmann (Paris).
Le sel et les épreuves ultra-endurantes
Les pertes sudorales en sel peuvent être considérables lors d'épreuves dites ultra-endurantes (ultra-marathon, etc.). Au cours de ces épreuves de très longue durée, un apport de sel en cours d'exercice est indispensable afin d'éviter l'hyponatrémie, asymptomatique dans les trois quarts des cas, mais pouvant s'accompagner de symptômes parfois graves (coma). Boire pendant l'exercice ne suffit pas. L'apport hydrique doit comporter 1,2 g de sel par litre type boisson pour l'effort. Les eaux riches en sodium, comme Vichy Saint-Yorre, ne sont pas adaptées (richesse en sodium sous forme de bicarbonate, l'ion chlore manque). Les comprimés de sel non associés à un apport hydrique sont déconseillés (aggravation de la déshydratation).
Pour récupérer après l'effort, la boisson doit comporter un apport sodé de 1,2 g/l, pour moitié sous forme de NaCl et pour l'autre moitié sous forme d'un autre sel de sodium (citrate ou bicarbonate).
D'après Dr B. Melin (Centre de recherche du service de Santé des Armées).
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