La fibromyalgie

Sous l'angle neuropsychologique

Publié le 05/12/2007
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Par le Dr NICOLAS DANZIGER *

DU POINT DE VUE neurophysiologique, plusieurs phénomènes semblent participer à l'exacerbation de la douleur au cours de la fibromyalgie et à sa diffusion à l'ensemble du corps. Un premier mécanisme consisterait en une activation anormale des terminaisons nerveuses périphériques situées dans les muscles, possiblement sous l'effet d'une hypoxie musculaire exacerbée par l'effort (2). L'augmentation de la concentration de la substance P et du Nerve Growth Factor (NGF) dans le liquide céphalorachidien des patients atteints de fibromyalgie constitue une « signature » parmi d'autres de ce processus de sensibilisation des nocicepteurs périphériques. Parallèlement, une sensibilisation centrale des circuits nerveux de la nociception, présente également dans d'autres situations de douleur chronique, pourrait entre autres expliquer la baisse diffuse des seuils de douleur cutanée observée chez la plupart des patients fibromyalgiques. Une défaillance des systèmes modulateurs de la nociception, en particulier noradrénergiques et sérotoninergiques, est également évoquée. Plusieurs études ont ainsi montré que le taux de sérotonine mesuré dans le plasma et dans le liquide céphalorachidien des patients fibromyalgiques était significativement réduit (3). Un tel dysfonctionnement des circuits qui modulent le message nociceptif dès le niveau médullaire pourrait constituer un possible substrat neurochimique commun à la fibromyalgie et à la dépression. Enfin, la dérégulation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et l'hyperactivité du système nerveux sympathique observées au cours de la fibromyalgie pourraient rendre compte, d'une part, de l'hypoxie musculaire diffuse (liée à une vasoconstriction) et, d'autre part, des liens fréquemment (mais non constamment) retrouvés entre stress physiologique et fibromyalgie (4). La nature de ce stress physiologique semble très variable d'un patient à l'autre : événements traumatiques précoces ou deuil impossible chez certains, stimulus douloureux localisé intense et durable pour d'autres… Même s'il reste hypothétique et s'il ne rend pas compte de la totalité des cas observés, un tel modèle psychophysiologique permet au moins d'appréhender la souffrance des patients fibromyalgiques dans toute sa diversité, sans qu'une frontière fictive s'établisse nécessairement entre pensée médicale et concepts psychopathologiques.

* Fédération de neurophysiologie clinique, consultation de la douleur et INSERM U713, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Auquier L et coll. Fibromyalgie. Rev Med Interne 2007; [Epub ahead of print].
(2) Elvin A et coll. Decreased muscle blood flow in fibromyalgia patients during standardized muscle exercise: a contrast media enhanced colour Doppler study. Eur J Pain 2006;10:137-44.
(3) Wolfe F et coll. Serotonin levels, pain threshold, and fibromyalgia symptoms in the general population. J Rheumatol 1997; 24:555-9.
(4) Vierck CJ Jr. Mechanisms underlying development of spatially distributed chronic pain (fibromyalgia). Pain 2006; 124:242-63.

DANZIGER Nicolas

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8272