L'OURAGAN Dean a traversé l'arc antillais le 17 août, touchant de manière sévère le sud de la Martinique et un peu moins durement la Guadeloupe. Dès le 20 août, le dispositif de signalement et de surveillance épidémiologique est renforcé, pour une durée de quatre semaines. «Nous nous sommes appuyés sur les dispositifs de surveillance habituels afin de recueillir les indicateurs les plus pertinents pour la surveillance des suites immédiates du cyclone»,explique au « Quotidien » le Dr Philippe Quénel, coordonnateur scientifique de la Cire (Cellule interrégionale d'épidémiologie) Antilles-Guyane. Des bulletins réguliers sont émis. «En Guadeloupe, le système de soins, notamment hospitalier (Samu, services d'urgence) a été très peu sollicité. A la Martinique, les conséquences immédiates ont été peu importantes en dehors d'une augmentation des traumatismes liés aux travaux d'élagage et de nettoyage tant au niveau des infrastructures que chez les particuliers», poursuit l'épidémiologiste. Quelques morsures de serpent ont aussi été signalées, mais cela «reste anecdotique». La crainte d'une augmentation des gastro-entérites favorisée par les problèmes de coupures d'eau n'a pas non plus été confirmée. En revanche, «les manifestations psychologiques aiguës secondaires ont été nombreuses au cours de la première semaine pour décroître ensuite», souligne le Dr Quénel. Le dispositif a plutôt bien fonctionné et devrait être évalué afin de décider de son maintien ou de son adaptation. «L'idée est de pouvoir disposer d'un outil performant capable de produire des données pertinentes en cas de cyclone», explique-t-il.
Pour l'heure, la principale inquiétude vient de l'augmentation importante du nombre de cas de dengue. «La période de recrudescence des cas a démarré dans la semaine qui a immédiatement suivi le passage du cyclone. Compte tenu du cycle de réplication virale, c'est un peu court pour que l'épidémie soit une conséquence du passage de Dean, même si les modifications environnementales ont sans doute contribué à l'explosion des cas», affirme le coordonnateur du Cire. Entre le 20 et 26 août, le nombre de cas de dengue cliniquement suspects s'est élevé à un niveau deux fois supérieur au seuil épidémique. Entre la première et la deuxième semaine du mois de septembre, le nombre de cas suspects a encore doublé, passant de 510 à 930, dont 113 ont été confirmés biologiquement. Compte tenu de la dynamique actuelle, les autorités craignent une épidémie d'une «ampleur au moins comparable» à celle de 2005 qui avait touché 14 000 personnes. DEN-2, le seul sérotype circulant, est aussi le plus fréquemment impliqué dans les formes sévères. Depuis le début de l'épidémie une quarantaine de patients ont dû être hospitalisés, dont 6 avec des formes sévères ou hémorragiques. «Pour le moment, il n'a pas été observé de recrudescence des formes hémorragiques. », souligne le Dr Quénel.
Désormais, avec un millier de personnes touchées, la destruction des gîtes larvaires ne suffit plus, même si la lutte antivectorielle reste importante : «Il s'agit maintenant de limiter l'impact de l'épidémie.» Pour cela, l'accent est essentiellement mis sur la protection individuelle. Le message à marteler est «Protégez-vous, protégez-vous», rappelle le Dr Quénel. Avec des mesures simples : vêtements clairs, chemises à manches longues et pantalons longs ; utilisation de moustiquaires même la nuit, surtout pour les enfants ; utilisation de répulsifs et de produits insecticides. La prise d'Aspirine et d'anti-inflammatoires doit être impérativement évitée.
Des actions de sensibilisation des médecins ont été mises en place, «comme on le fait à chaque fois, pour leur rappeler les prédictifs des formes sévères ou graves qui nécessitent une hospitalisation», conclut l'épidémiologiste.
Un virus sous surveillance
La dengue est une maladie virale transmise par les moustiques du genre Aedes (A.aegypti dans la Caraïbe ou A.albopictus). Quatre sérotypes différents ont été identifiés : DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4. Du fait de l'absence d'immunité croisée entre les sérotypes, un même individu peut être infecté plusieurs fois.
C'est l'arbovirose la plus répandue dans le monde. Depuis plusieurs années, un dispositif de surveillance (Psage Dengue) a été mis en place en Martinique, en Guadeloupe et est en cours d'élaboration en Guyane. Fondé sur un réseau de médecins sentinelles, de laboratoires de virologie des CHU, les services d'urgence et les établissements hospitaliers, il permet de mesurer l'ampleur du phénomène et sa gravité potentielle.
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