LE PRÉSIDENT, EN EFFET, a poursuivi sa politique d'ouverture en nommant les membres du gouvernement de M. Fillon.
D'abord, il s'est gardé de montrer à l'opinion le désagrément que la conduite de Jean-Louis Borloo lui a probablement causé. Il ne l'a pas sanctionné pour avoir soulevé la question de la TVA sociale qui, selon un homme politique, aurait «coûté cent députés à l'UMP». Il ne l'aurait pas fait de toute façon parce que sa réaction aurait semblé grossière. Mais il donne à M. Borloo le poste qu'Alain Juppé a été contraint d'abandonner et le confirme dans la position de numéro deux du gouvernement, tout comme M. Juppé.
L'état de grâce n'est pas terminé.
On n'est pas sûr que le nouveau ministre de l'Environnement soit plus compétent dans ses nouvelles fonctions que dans celles qu'il a quittées et où il eût été le seul en France à mettre un peu de compassion dans les techniques de gestion économique. Mais enfin, et c'est notre propos, M. Sarkozy a réussi à ravaler sa colère et, du même coup, a clos l'incident. Ceux qui furent prompts à déceler une « déstabilisation » du pouvoir et mirent fin un peu vite à l'état de grâce en seront pour leurs frais. Quand on aura fini de disserter sur le retour – relatif – de la gauche et sur les premiers couacs de nos gouvernants, on s'apercevra que les choses avancent encore plus vite qu'on ne le croyait.
TROIS COUPS D'AS :UNE OUVERTURE ENCORE PLUS LARGE, UN NOUVEAU RECUTEMENT A GAUCHE ET ENCORE DES FEMMES ISSUES DE L'IMMIGRATION
Avec le gouvernement Fillon II, on ne peut pas dire que M. Sarkozy nous ait surpris de nouveau. Et c'est normal, puisqu'il fait ce qu'il a annoncé. Il a trouvé ce qui ressemble fort à une martingale, l'ouverture, et il la met à contribution chaque fois qu'il en a l'occasion. Il était donc tout naturel qu'il élargît l'ouverture. Un coup de maître, c'est la nomination de Fadela Amara, présidente de Ni putes ni soumises, femme en tous points admirable, emblème absolu de notre diversité, évidemment éprise des droits des femmes, et capable de discerner ce qu'il peut y avoir d'excessif dans les attitudes intellectuellement correctes. Il suffit de savoir qu'elle se range rarement dans un camp, qu'elle peut défendre, au nom de la République ou de la laïcité, une cause éloignée de ses propres préoccupations pour comprendre que, avec elle, l'engagement le plus pur, celui du bon sens, de l'honnêteté, du rejet du sectarisme, ne se coupe pas en rondelles. C'est un choix remarquable pour le Logement et la Ville et on ne peut que l'applaudir.
La nomination de Bockel.
L'autre choix de la même veine, c'est celui de Rama Yade aux Droits de l'Homme. Elle n'est pas aussi connue que Mme Amara et est apparue récemment sur les plateaux de la télévision où elle a tenu un discours calme, sinon très polémiste, mais où elle a impressionné par sa jeunesse et sa beauté. Bien entendu, on va nous reprocher encore de signaler les atouts esthétiques d'une femme, mais franchement, ne pas rappeler ce qui crève les yeux, c'est de l'hypocrisie. Mme Royal s'est beaucoup servie de son allure, pourquoi pas les autres ?
Et ce n'est pas fini : pendant que la gauche compte les ministres femmes ou les hommes de gauche qu'elle n'a pas su nommer quand elle en a eu l'occasion, M. Sarkozy, ou M. Fillon, s'empresse de coopter Jean-Marie Bockel au gouvernement. Scandale chez les sénateurs socialistes qui dénoncent cette nouvelle « trahison » d'un des leurs, mais qui auraient dû s'y préparer depuis longtemps. Il y a des années que M. Bockel, sans d'ailleurs la moindre agressivité, demande au PS de faire son aggiornamento et d'épouser enfin une doctrine de type « troisième voie ». Des années qu'il prêche dans le désert ; des années que le PS est drapé dans sa dignité « de gauche » avec une telle superbe, et une telle conviction qu'il en arrive, sans y prendre garde, à devenir le théâtre d'un conflit conjugal : on aura quand même du mal à oublier que Ségolène Royal a tenu un discours de huit minutes à la radio pour annoncer qu'elle congédiait son compagnon, alors que tous les résultats des législatives n'étaient pas encore connus, et sans se souvenir que, naguère, elle informait la France qu'elle l'épouserait en Polynésie. C'est la première fois qu'une affaire privée est mise au service d'une carrière avec un tel cynisme (et même un mépris du fonctionnement de la démocratie). C'est pourtant à gauche que ça se passe. Bien sûr, la plupart des dirigeants socialistes ont très vivement désapprouvé la méthode, dont ils ont surtout dénoncé le machiavélique timing. Le problème qu'ils ont à surmonter aujourd'hui, c'est que leur ex-candidate est à la fois très populaire et peu contrainte par les principes ou la déontologie ; que ceux qui divergent de la pensée centrale du parti passent à droite ou sont cooptés au gouvernement. Les socialistes s'enferrent en criant à la trahison. Cela les fait passer pour de mauvais perdants ou des gens qui sont jaloux des idées qu'ils n'ont pas eues ou n'auront jamais à cause de leur structure mentale. Mme Royal, en dehors de son dernier petit calcul pas trop digne, aura beaucoup contribué à secouer le cocotier. Ils ont besoin de plusieurs autres provocateurs.
Il y a certes, et comme toujours, dans le nouveau gouvernement, un dosage savant composé d'amis de toujours, de gens très jeunes, comme Laurent Wauquiez, de femmes (quelques-unes ont déjà gouverné et ont du caractère, d'autres sont plus novices mais issues de l'immigration), de gens de gauche qui ne sont pas pétrifiés par le dogme.
On avait salué le premier gouvernement Fillon parce qu'il pratiquait à la perfection l'ouverture souhaitée par François Bayrou et la synthèse désirée par les socialistes. Nihil novi. Avec Fillon II, l'idée est encore plus largement exploitée. On ne voit pas pourquoi ce qui convenait il y a un mois déplairait aujourd'hui.
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