LES RAPPORTS SE SUCCÈDENT ces derniers mois pour dénoncer la crise que traverse la médecine générale. La discipline souffre d'un mal de reconnaissance. En dépit de la création d'un diplôme d'études spécialisées (DES) en 2004, les étudiants ne choisissent bien souvent la spécialité qu'en dernier recours. Enseignants, étudiants et syndicats s'accordent à souligner la nécessité de mettre en valeur la médecine générale dès le 2e cycle des études médicales pour la rendre plus attractive. Obligatoire depuis mars 1997, ce stage en 2e cycle en médecine générale n'a pourtant jamais réellement vu le jour. Faute de volonté politique et de financement. «Malgré les annonces du ministre de la Santé en 2006, le stage n'a pu se mettre en place comme prévu faute de moyens humains dans les départements de médecine générale (DMG) , sans nomination d'enseignants associés, sans titularisation universitaire, et faute de financement concret», explique le Dr Vincent Renard, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG).
Inégalités.
Pour en savoir un peu plus sur la réalité de ce stage en médecine générale pendant le 2e cycle des études médicales, le syndicat des généralistes enseignants a réalisé une enquête au cours du mois d'avril 2008 auprès des 33 facultés de France (hors Antilles-Guyane). Il ressort de cette consultation que 25 UFR ont mis en place un stage de médecine générale pendant le 2e cycle tandis que 8 autres y ont renoncé «compte tenu du contexte» (1). Lorsqu'il existe, ce stage est d'une durée beaucoup plus courte que celle des autres stages d'externat (trois mois à mi-temps ou six semaines à temps plein). Seulement 10 facultés respectent la durée énoncée par le projet national (2).
Dans 15 UFR, cette durée est plus courte que recommandée, avec, dans 6 d'entre elles, un stage de moins d'une semaine. «Ce stage reste une découverte très loin des objectifs de formation du projet dans 11 facultés avec une durée de moins de deux semaines», note le SNEMG. Lorsqu'il est mis en place, le stage est très loin de concerner tous les étudiants hospitaliers de la cohorte. Un tiers des facultés (11) réussit à sensibiliser tous ces étudiants à la discipline et une seule faculté, Nancy, a mis en place un stage de trois mois à mi-temps pour l'ensemble de ses étudiants. «Si le stage répond aux exigences de durée, il ne concerne pas tous les étudiants. En très grande majorité, les stages offerts à tous les étudiants ne sont que des stages de moins d'une semaine, se limitant à la découverte anecdotique.»
Rémunérations : désordre « complet ».
L'échec de déploiement du stage de médecine générale pendant le 2e cycle est également lié à une insuffisance de moyens budgétaires, notamment pour intéresser les maîtres de stage. «Si la rémunération des externes est bien prévue, le budget de la rémunération des enseignants cliniciens ambulatoires (ECA) maîtres de stage est toujours incertain d'autant plus que la rémunération n'est à ce jour pas encore arbitrée, note le syndicat. De surcroît, le budget pour la formation des ECA demandée dès l'origine et promise par le précédent ministre de la Santé, ne semble pas prévu.» Quatorze facultés ont organisé une formation spécifique des ECA pour encadrer le stage et seulement 4 d'entre elles ont prévu un financement pour ces formations. «Dans la majorité des facultés, la formation s'est organisée selon le mode du bénévolat complet. Dans les 3 facultés bénéficiant d'un financement, la formation a pu être déclinée sur deux jours dans trois cas et sur une journée dans un cas.Les financements provenaient des URCAM, des collectivités régionales et du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV). » La rémunération des ECA pour l'encadrement des stages est hétéroclite. «Entre les rémunérations effectives, promises, ou envisagées, le désor-dre est complet», souligne le SNEMG. Celles-ci sont absentes dans 5 facultés. Elles sont calculées soit à l'heure complémentaire, soit à la demi-journée, soit au mois, soit au stage. Ces rémunérations varient de 20 à 25 euros la demi-journée à plus de 800 euros par mois pour vingt demi-journées. «Il n'y a aucune cohérence nationale dans ces rémunérations qui sont versées par les facultés sans que les financeurs ne soient in fine les mêmes», explique le SNEMG. «L'absence de politique nationale sur la mise en place du stage aboutit au plus grand désordre, conclut le syndicat. Un vrai stage de formation susceptible d'atteindre les objectifs pédagogiques et concernant l'ensemble des étudiants ne peut pas être organisé dans les conditions actuelles.» Les généralistes enseignants estiment «indispensable» que l'organisation de ce stage revienne aux DMG – qui assurent dans la très grande majorité des cas le recrutement des ECA maîtres – et que ce stage soit d'une durée équivalente aux autres stages d'externat. Il plaide pour un financement national des formations des maîtres de stage sur le modèle de ce qui existe dans la formation professionnelle conventionnelle (FPC). Bref, ce premier état des lieux du stage de médecine générale pendant le 2e cycle illustre une nouvelle fois l'immense retard pris dans le développement de la filière universitaire de médecine générale.
(1) Rouen, Paris-VI, Paris-VII, Paris-XII, Paris-XIII, Paris Île-de-France, Montpellier, Nice.
(2) Angers, Besançon, Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Nancy, Nantes, Toulouse et Tours.
L'indignation des syndicats
Une vague de communiqués des syndicats de médecins libéraux a fait suite à l'annonce par le ministère de l'Enseignement supérieur de recruter huit postes d'associés à la prochaine rentrée universitaire (« le Quotidien » du 16 avril). L'Intersyndicale majoritaire (MG-France, FMF, Espace Généraliste, UCCMSF) a ouvert le bal des critiques en dénonçant un «nombre insuffisant et consternant, en complète contradiction avec les conclusions prônées lors des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS) ». L'Intersydicale a apporté son soutien au SNEMG dans ses revendications - le syndicat réclame l'ouverture de cinquante postes d'associés. MG-France a écrit une lettre à Roselyne Bachelot pour lui demander un «rééquilibrage des moyens universitaires vers l'enseignement de la spécialité de la médecine générale». «L'urgence est de donner un signal fort aux étudiants pour qu'ils commencent à croire le discours sur la revalorisation de la médecine générale», commente, pour sa part, la FMF-G. L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) exprime son amertume : «On ne peut pas imaginer ne pas mettre en oeuvre les moyens nécessaires et suffisants pour développer une filière d'enseignement et de recherche qui sera salutaire pour les soins primaires en France.» Selon certaines sources, le ministère de l'Enseignement supérieur pourrait revoir à la hausse les nominations des enseignants associés de médecine générale.
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