DANS LA PLUPART des maladies neurodégénératives, on observe, chez un faible pourcentage de patients, une mutation génétique directement liée à la maladie. Ces mutations font partie du génotype et elles entraînent le dysfonctionnement d'une protéine qui joue un rôle majeur dans le processus de la maladie, ce qui se traduit par une expression (le phénotype) et également au niveau protéique (protéotype). Les génotypes et protéotypes liés à la maladie d'Alzheimer, à la maladie de Parkinson, aux démences fronto-temporales ainsi qu'aux troubles impliquant le prion, comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob, ont été identifiés.
La maladie d'Alzheimer est celle dont les fondements génétiques sont les mieux connus : de multiples mutations ont été identifiées dans les gènes codant pour trois protéines, le précurseur du peptide bêta-amyloïde (APP) et les présénilines (PS) 1 et 2. Les protéines correspondantes sont toutes impliquées dans la formation de plaques amyloïdes, qui constituent l'un des signes distinctifs de la maladie d'Alzheimer. L'emplacement de la mutation sur le gène a une incidence considérable, puisqu'il détermine le déclenchement ou non de la maladie ainsi que la forme de cette dernière ; le lien entre mutation et phénotype n'est donc pas systématique, de même que le phénotype peut varier (D. Galasko, Etats-Unis).
La place de la mutation et l'âge.
L'emplacement de la mutation est l'un des principaux facteurs qui déterminent l'âge auquel peut être posé le diagnostic clinique de la maladie (D. Galasko) ; chez les patients présentant une mutation identique du gène PS1, la forme, ou allèle, du gène de l'apolipoprotéine E a un impact sur l'âge auquel se déclare la maladie (A. Goate, Etats-Unis). Fait encore plus étonnant, les chercheurs ont récemment découvert que certaines mutations de ces gènes n'aboutissaient pas au déclenchement de la maladie d'Alzheimer. Certaines mutations du gène PS1 sont en effet associées à une démence fronto-temporale (D. Galasko, N. Graff-Radford et C. Van Broekhoven) et une autre a été observée chez des patients ayant souffert de paraparésie spastique pendant de nombreuses années avant d'être atteints de démence (P. Schofield, Australie), tandis que certaines mutations du gène APP déclenchent, elles, une hémorragie cérébrale.
Aucun mécanisme génétique n'agit de manière isolée et la plupart des variations observées dans les phénotypes peuvent résulter de l'influence d'autres facteurs sur les mutations. Ces facteurs peuvent être également d'origine génétique, bien que l'apolipoprotéine E soit le seul identifié à ce jour (A. Goate). Les pathologies de ces maladies se caractérisent par un repliement anormal de certaines protéines comme la bêta-amyloïde dans la maladie d'Alzheimer, la protéine tau dans les démences fronto-temporales et l'alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson. Ce dysfonctionnement peut résulter d'anomalies génétiques et/ou de facteurs environnementaux (J. Cummings, Etats-Unis). Ces derniers peuvent également intervenir en générant du stress oxydatif, impliqué dès le début de la dégénérescence neuronale dans la maladie d'Alzheimer, mais dans aucune des autres maladies neurodégénératives connues à ce jour (D. Practico, Etats-Unis).
D'importantes disparités.
A plus grande échelle, on a observé d'importantes disparités dans l'expression d'une même maladie au sein de différents groupes ethniques, ce qui tend à prouver que le patrimoine génétique et l'environnement des patients sont des facteurs déterminants. Cette découverte a d'importantes implications pour le diagnostic et le traitement clinique (K. Gwinn-Hardy, Etats-Unis). Les disparités observées dans le phénotype d'une maladie donnée ont également le mérite de rappeler que les classifications, bien qu'utiles, peuvent être très restrictives. Il est préférable de considérer la maladie comme un processus, notamment parce que la dégénérescence est progressive (J. Hardy, Etats-Unis). Le facteur déclenchant de ce processus affecte des populations spécifiques de cellules vulnérables, par exemple dans l'hippocampe et le cortex adjacent dans le cas de la maladie d'Alzheimer, mais la dégénérescence cérébrale est progressive.
D'après la communication d'Yves Christen (fondation Ipsen) lors d'un point presse organisé par la fondation Ipsen à l'occasion du 21e Colloque annuel consacré à la maladie d'Alzheimer.
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