LA SURVEILLANCE des infections nosocomiales existe en France depuis 1998. A l'objectif initial de prévention – en fournissant aux professionnels de santé des outils susceptibles de leur permettre d'améliorer la qualité et la sécurité des soins – s'est ajouté un souci de transparence, à la faveur de crises telles que celle provoquée par les infections à Mycobacterium xenopi et du renforcement des droits des malades (loi du 4 mars 2002). Pour restaurer la confiance des usagers, le ministère a mis en place un tableau de bord des infections nosocomiales qui comporte cinq indicateurs : le score Icalin (activités de lutte contre les infections nosocomiales), la consommation des solutions hydroalcooliques, le taux d'infections du site opératoire (ISO), la consommation des antibiotiques, la résistance des Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (Sarm). La diffusion du tableau de bord valide «de facto un objectif de classement des établissements de santé, encadrant les hit-parades dont les médias avaient pris l'initiative depuis une dizaine d'années», explique aujourd'hui, dans le « BEH », le Pr Bernard Régnier (service de réanimation médicale et infectieuse, hôpital Bichat, Paris).
Or, relève-t-il, «la réorientation d'une surveillance intégrée à la prévention vers la production d'indicateurs universels, opposables, à diffusion publique et visant à classer les ES peut sensiblement modifier les performances métrologiques, la pertinence et l'efficacité de la surveillance des IN, voire l'implication des soignants».
Rechercher un compromis.
Il convient donc, selon lui, «de rechercher un compromis pour satisfaire à la fois les objectifs de qualité des soins et de communication. L'impact de la surveillance sur la charge de travail des ES doit être sérieusement pris en compte, en particulier dans un contexte budgétaire restreint. Il faut veiller à ce que l'obligation sociétale des résultats affichés n'ait pas d'effets délétères. Le malade ne doit pas perdre en sécurité ce qu'il aura gagné en communication, parce que les professionnels de santé, fortement mobilisés pour la production d'indicateurs, ne pourraient plus privilégier l'observance de bonnes pratiques de prévention», souligne-t-il.
Deux études publiées dans le « BEH » montrent d'ailleurs des résultats contradictoires quant à la perception du risque nosocomial dans la population, d'une part, et celle de l'impact de la diffusion du score Icalin, d'autre part.
La première, conduite par l'Inpes (Institut national de prévention et d'éduc (Institut de veille sanitaire), révèle que les IN ne figurent pas parmi les maladies les plus redoutées par les Français. Réalisée par téléphone entre le 8 décembre 2005 et le 18 février 2006 auprès de 4 112 personnes âgées de 18 à 79 ans, elle montre que, parmi les maladies les plus craintes, les IN se classent en septième position (3,6 % des réponses) après les cancers (59,3 %), les maladies cardio-vasculaires (9,7 %), les maladies neurologiques (9,1 %). Cependant, près d'une personne sur deux (46 %) considère que le risque de contracter une IN est en augmentation depuis dix ans, ce que contredisent les résultats des données de surveillance. Selon la dernière enquête de prévalence nationale (« le Quotidien » du 22 janvier), les IN étaient en baisse de 4 % par rapport à la précédente enquête de 2001, soit une prévalence de 4,97 %, même si elles restent encore fréquentes (1 patient sur 20). «Il serait intéressant d'étudier les connaissances à partir desquelles se construit la perception du risque d'IN dans le grand public: existence d'une expérience personnelle, médiatisation importante, difficulté à appréhender les données épidémiologiques ou affichage du problème au travers des plans de lutte développés par les autorités sanitaires»,soulignent les auteurs.
La seconde enquête, menée en Haute-Normandie en 2005, montre que les patients et les professionnels n'ont pas la même perception de l'impact de la diffusion de l'indice Icalin. Bâti pour pouvoir être calculé automatiquement à partir du bilan standardisé annuel réglementaire des activités de lutte contre les IN, le score comporte 31 items divisés en 3 sous-groupes représentant l'organisation de la lutte (maximum 33 points), les moyens mobilisés (maximum 33) et les actions réalisées (maximum 33). L'enquête a été réalisée, d'une part, auprès de 594 professionnels de santé et, d'autre part, auprès de 290 patients hospitalisés en médecine, en chirurgie, en obstétrique et en soins de suite-réadaptation. La majorité des professionnels ont estimé que le score reflétait la situation réelle de leur ES, 7 % qu'il était meilleur et 12 % qu'il était moins bon. Ceux qui travaillent dans un établissement ayant l'Icalin le plus faible sont également ceux qui estiment que leur ES est sous-évalué. Quelque 46 % d'entre eux ont déclaré leur intention de modifier leur pratique après la diffusion de l'Icalin. Concernant l'impact supposé de la publication du score, 70 % des professionnels pensent qu'elle influence le patient quant à son choix d'un ES et 30 % pensent qu'elle peut les inciter à porter plainte.
Place marginale dans le choix du patient.
Cette perception n'est pas confirmée par les patients eux-mêmes qui, s'ils jugent important de connaître l'Icalin avant d'être hospitalisé (78 %), ne le classent qu'en sixième position de leurs critères de choix, loin derrière l'avis du médecin traitant, la réputation des médecins de l'établissement, le niveau d'équipement, le confort, la recommandation de l'entourage. Seul le palmarès de la presse était moins souvent cité que l'Icalin. La place marginale qu'occupe l'Icalin dans le choix des patients «contraste avec l'intérêt des usagers et des médias pour les infections nosocomiales», font remarquer les auteurs. Toutefois, l'étude a été réalisée après la toute première diffusion du score et «il est possible qu'avec le temps les usagers se familiarisent avec cette information et l'utilisent plus», notent-ils. Leur étude met aussi en évidence une interprétation jugée «médiocre» du score et du classement : seulement 39 % comprennent que l'Icalin n'est pas un indicateur de résultats et ne renseigne pas sur la fréquence des infections dans un établissement.
26 cas de méningites
Depuis 2002, un dispositif de signalement des infections nosocomiales qui présentent un caractère exceptionnel du fait de leur gravité, de la rareté du micro-organisme ou du site infectieux concerné a été mis en place. En quatre ans et demi (du 1er août 2001 au 31 décembre 2005), l'InVS a reçu 3 110 signalements, dont 26 méningites nosocomiales, liées à une ponction lombaire, une anesthésie péridurale, une rachianesthésie, une myélographie ou une injection intrathécale. La plupart des cas étaient liés à des germes commensaux de la peau ou des muqueuses et un défaut de port de masque ou de la préparation cutanée du patient était souvent rapporté. Rares, mais graves (deux décès), les méningites nosocomiales surviennent chez des sujets sans terrain à risque infectieux. Dans la plupart des cas, elles sont «évitables», souligne le « BEH », qui rappelle que les recommandations doivent être strictement respectées : préparation cutanée, lavage chirurgical des mains de l'opérateur et tenue adéquate (calot, masque et gants stériles).
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