LE RAISONNEMENT est ardu, original, voire inédit. Suivi par l'INSEE dans l'édition 2007 de son « Portrait social » de la France (voir ci-dessous), il dit, pour schématiser, que tout comme les impôts ou les prestations sociales (chômage, aide au logement, allocations familiales…), les prélèvements liés à la maladie jouent un rôle très important de redistribution de la richesse nationale. S'en rendre compte suppose un double changement de point de vue puisqu'on a plutôt l'habitude de considérer ces prélèvements sous un angle assurantiel et qu'on a tendance aussi à ignorer ou à considérer comme des revenus « classiques » les contreparties qui en découlent (indemnités journalières, remboursement de soins…).
Avec toutes les précautions d'usage – le nombre de données statistiques à prendre en compte (consommation de soins selon l'âge, le sexe, le niveau de ressources…, inégalité dans les niveaux de couvertures maladie et les états de santé, perception individuelle de l'état de santé, corrélation entre la consommation de soins et l'état de santé, etc.) ne facilite pas la tâche –, les experts de l'INSEE tentent de mesurer l'impact de cette redistribution.
Ils constatent que, si l'impôt sur le revenu, la CRDS ou la CSG hors maladie, la taxe d'habitation… «sont en moyenne décroissants avec le niveau de vie initial», les prélèvements liés à la santé au contraire varient peu en valeur avec le niveau de vie. Une fois redistribués à tous les Français, les premiers (que l'on peut qualifier de prélèvements « monétaires ») et les seconds (prélèvements « santé ») ont des effets différents : les 20 % de personnes les plus modestes de la population voient leur niveau de vie moyen augmenter de 41 % par le biais des prestations santé et de 45 % par celui des prestations monétaires ; mais, à l'autre bout de l'échelle sociale, chez les 20 % de Français les plus aisés, le niveau de vie moyen augmente de 6 % sous l'effet des dépenses de santé redistribuées, tandis qu'il diminue de 22 % sous celui des prestations monétaires.
118 milliards d'euros en jeu.
Pourquoi les statisticiens de l'INSEE considèrent-ils que les dépenses de santé jouent un rôle déterminant sur la réduction des inégalités entre Français ? Question de poids ! «La forte contribution de la santé, écrivent-ils, est de fait en partie imputable au montant global des transferts qui est en jeu: 118milliards d'euros versés au titre des dépenses de santé des administrations publiques, àcomparer par exemple aux 50milliards d'euros correspondant à l'impôt sur le revenu prélevé en 2005 sur les ménages.»
Si l'on ne tient pas compte des dépenses de santé, c'est l'impôt sur le revenu qui est déterminant dans la réduction des inégalités de niveau de vie des Français (31 % de la réduction), suivi de près par les prestations familiales (28,8 %). Mais si on les fait entrer en jeu, alors «la santé devient un des facteurs majeurs de la réduction des inégalités (36,7 %) , à même pouvoir redistributif que les prestations sociales (36,8 %) ». Et ni l'impôt sur le revenu (intervenant à hauteur de 20 %) ni les prestations familiales (18,3 %) ne soutiennent la comparaison.
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