Dengue et syndromes « dengue like »
Ces affections ont en commun leur présentation aiguë fébrile et un début identique : après une incubation de quatre à sept jours, le début est brutal avec un syndrome algofébrile : fièvre à 40 °C, arthromyalgies diffuses, axiales et distales associées à un rash cutané.
Pour l'infection à virus chikungunya (chik), ces arthralgies pourront se pérenniser et réaliser une véritable polyarthrite chronique séronégative. L'infection à virus O'Nyong Nyong, dont le tableau est identique à celui du Chik, ne sévit qu'en Afrique subsaharienne. D'autres espèces ont une affinité rhumatologique : polyarthrite épidémique à virus Ross River en Nouvelle-Calédonie en 1980.
Le virus de la dengue comporte 4 sérotypes ayant tous un potentiel hémorragique et n'entraînant pas d'immunité croisée entre eux. Le vecteur est un moustique, habituellement Aedes aegypti. Les formes asymptomatiques sont nombreuses. Dans certaines zones endémiques, les quatre sérotypes circulent (Tahiti, Sud-Est asiatique) ; dans d'autres, un seul type de virus s'exprime : le sérotype 1 a atteint la Réunion en 2004 (228 cas), avec le même vecteur que Chik, Aedes albopictus... On compte dans le monde 50 millions de cas par an dont 400 000 formes hémorragiques et 30 000 décès. Il faudra surveiller les moindres signes d'hémorragie (gingivorragies) chez chaque patient suspect de dengue. Dans le cas des formes graves de dengue hémorragique et de dengue avec syndrome de choc (critères diagnostiques et de sévérité, voir site OMS), l'amélioration classique du 4e jour ne se produit pas ; au contraire, la situation clinique s'aggrave alors que la fièvre baisse, des douleurs abdominales apparaissent avec des vomissements et des hémorragies de gravité variable selon leur abondance et leur localisation. Une instabilité hémodynamique et un épanchement intrapéritonéal (à rechercher systématiquement) sont annonciateurs de choc. La létalité de ces formes graves est estimée à 3 % chez l'enfant et jusqu'à 6 % chez l'adulte. Le diagnostic est sérologique (recherche d'IgM par technique ELISA), le traitement est symptomatique.
La fièvre de la vallée du Rift (Afrique : Tchad, Cameroun, Mauritanie) évolue par poussée de « microépidémies », mais fait surtout de redoutables ravages dans le cheptel ruminant, puisque le virus est pathogène pour l'animal. La maladie débute comme un syndrome « dengue like », mais peut évoluer vers une encéphalite, voire un syndrome hémorragique.
L'infection par le virus West Nile est parfois inapparente, elle peut aussi être responsable d'une fièvre isolée ou provoque des encéphalites parfois mortelles ou source de séquelles graves. Le premier cas a été décrit en 1999 aux Etats-Unis, le virus y est désormais endémique. Le vecteur est un moustique du genre Culex. Le virus a été responsable d'une épidémie équine en 2003 en Camargue. Il ne peut pas être transmis du cheval à l'homme, mais cette situation nécessite une surveillance étroite de l'épizootie dans cette zone.
Les ABV hémorragiques
La fièvre jaune (FJ) demeure une endémie redoutable en Afrique Noire et en Amérique intertropicale, 2 800 cas en 2005 avec 320 décès (11,4 %). Un vaccin très efficace existe avec une injection décennale. La FJ réalise la classique « hépatonéphrite hémorragique » avec une phase « rouge » au début, une rémission au 3e jour, une phase « jaune » ictérique avec hémorragies et syndrome rénal. Tout sujet non vacciné, résidant en zone d'endémie où l'ayant quittée depuis moins de six jours et présentant un tableau compatible avec celui-ci doit être isolé. Le diagnostic est sérologique. Au Soudan en 2005, le même vecteur/moustique ( Aedes) permettait la circulation contemporaine du chik, de la dengue et de la fièvre jaune...
Les virus Ebola et Marburg sont responsables de poussées épidémiques très localisées de fièvres hémorragiques souvent gravissimes. Leur implication dans une fièvre du retour est toutefois très improbable. Le tableau est celui d'un syndrome grippal, puis d'une hépatonéphrite avec thrombopénie et hémorragies. La mortalité est de 50 à 90 %. Le virus Crimée Congo sévit en Afrique et en Europe de l'Est. Il provoque au début un syndrome grippal avec fièvre intermittente durant neuf à quatorze jours et une toux avec pneumonie radiologique dans 50 % des cas. Ensuite, peuvent se produire des troubles de l'humeur, puis l'apparition d'une splénomégalie, d'adénopathies et enfin un syndrome hémorragique. La mortalité est d'environ 30 %. Un cas a été importé en France en 2004.
En France, le virus Puumala (hantavirus) circule à l'état endémique dans le nord-est du pays (118 cas en 2003), provoquant classiquement une fièvre hémorragique avec syndrome rénal.
Les encéphalites
L' encéphalite japonaise est la plus importante et la plus grave en Asie, avec 50 000 cas dont 10 000 décès par an. Sur 250 à 500 personnes contaminées seule(s) une ou deux développera (ont) la maladie. Des vaccins existent.
La méningo-encéphalite européenne à tiques (tick born encephalitis) est une maladie grave, surtout chez les sujets de plus de 60 ans, en voie de dissémination en Europe occidentale. Elle est endémique en Europe de l'Est, mais quelques cas sporadiques sont notés en Europe de l'Ouest (30 cas en France sur trente ans). Cependant, les études montrent que le gradient d'incidence est/ouest augmente régulièrement. Cliniquement, une première période se traduit par un syndrome grippal sévère durant deux à sept jours sans signes neurologiques. Dans un tiers des cas survient une deuxième phase avec des signes de méningoencéphalite et une température encore plus élevée. Les formes les plus graves sont les méningoencéphalomyélites où, dans un 3e temps, cinq à dix jours après une phase de rémission, apparaissent des atteintes des paires crâniennes, le décès survenant alors en cinq à sept jours. La ponction lombaire montre une hyperprotéinorachie et une pléiocytose (1 000/mm3) à polynucléaires neutrophiles, comme dans une méningite bactérienne.
Le virus Toscana est responsable d'un syndrome méningé aseptique ou d'une méningoencéphalite. La maladie est épidémique en Italie et en Espagne. Le virus est transmis par le phlébotome ( Perniciosus sp) qui est abondant sur toute la côte méditerranéenne. Le diagnostic peut être fait par PCR sur le LCR.
Les arboviroses : des maladies européennes ?
Inconnu du grand public il y a quelques mois, le chikungunya, a provoqué en 2006 une épidémie inattendue dans l'océan Indien. Gagnant les îles de Mayotte, puis de la Réunion où chik atteint 250 000 personnes sur une île qui compte 780 000 habitants. On redécouvre alors l'énorme pouvoir épidémique et pathogène du chik, des formes cliniques graves d'une affection réputée habituellement bénigne et on s'interroge sur son épidémiologie actuelle.
Aedes albopictus, vecteur du virus mais aussi de la dengue 1 lors de l'épidémie de 2004, est endémique à la Réunion. Il a déjà été introduit dans plusieurs pays d'Europe (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Italie, France, Suisse...) via le commerce de pneus d'occasion ou de plantes exotiques qui sont autant de réservoirs d'eau stagnante où le moustique pond ses oeufs. Ce moustique a pu s'acclimater dans certains pays du sud de l'Europe (Albanie) dans des conditions climatiques favorables, mais sa capacité à transmettre le virus dans un climat qui n'est pas le sien reste inconnue...
Prévention
En 1999, les Etats-Unis identifiaient les premiers cas de méningoencéphalite liés au virus West Nile ; huit ans après, le virus est endémique sur tout le territoire. Après la dengue dans l'océan Pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie), les virus Toscana et West Nile en région Paca et maintenant le chikungunya à Mayotte et la Réunion, chaque médecin doit connaître ces arboviroses reémergentes à fort potentiel épidémique.
Aucun traitement spécifique n'étant disponible, seule la prévention compte et un conseil essentiel pour les voyageurs est la protection contre les piqûres d'insectes moustiques et tiques entre autres.
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